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Sommaire Reportage Printemps 2004 - Pessah 5764

Éditorial - Avril 2004
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Pessah 5764
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Éthique et judaïsme
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Le Krav Maga

Par Roland S. Süssmann
A Paris, la Radio Juive annonce: «Un garçon de 11 ans, qui marchait avec sa kippa dans la rue, a été agressé par de jeunes maghrébins. Il a pu mettre ses agresseurs en fuite… ». Traduction: un groupe de jeunes Arabes s’est lâchement attaqué à un enfant uniquement parce qu’il portait la kippa, signe extérieur de son appartenance au judaïsme et de son identification avec Israël. «Il a pu mettre ses agresseurs en fuite» signifie en clair que cet enfant a suivi un entraînement d’autodéfense qui lui a évité d’être tabassé, éventuellement handicapé à vie, voire battu à mort.
Les incidents violents d’antisémitisme ne se multiplient pas uniquement en France, ils sont de plus en plus fréquents partout en Europe et le nombre de jeunes Juifs, garçons et filles, agressés dans la rue, dans les transports publics ou à l’école est en constante augmentation. Dans une moindre mesure pour l’instant, la Suisse ne fait pas exception à cette nouvelle vague de violence anti-juive. Devant cette réalité inquiétante, que peut-on faire ? – que doit-on faire ? Une seule réaction s’impose: former les Juifs à l’autodéfense et le KRAV MAGA< (en hébreu: combat de contact) constitue la réponse idéale. De quoi s’agit-il ? Ironie de l’histoire, il s’agit d’une technique de défense et de combat qui a ses racines dans la lutte contre l’antisémitisme. Avant de parler de ce sport et d’en comprendre l’esprit, un bref rappel historique s’impose. Son inventeur, M. Imi Lichtenfeld (qui plus tard a hébraïsé son nom en Sdé-Or), est né en 1910 à Budapest et a grandi à Bratislava dans une famille où le sport jouait un rôle important. Son père Samuel a été intégré à l’âge de 13 ans dans une troupe de cirque ambulant, où il a appris plusieurs formes de sport, dont un certain nombre de sports martiaux. Dès son plus jeune âge, encouragé par son père, Imi a pratiqué divers sports et s’est rapidement distingué en natation, en lutte et en boxe. En 1928, il a gagné les championnats nationaux juniors de lutte en Slovaquie et en 1929, il a remporté les championnats nationaux de poids légers et de poids moyens ainsi que les compétitions internationales de boxe et de gymnastique. Au cours de la décade qui a suivi, Imi a consacré ses activités athlétiques avant tout à la lutte et ce aussi bien en tant que participant ou qu’entraîneur.
Vers le milieu des années 30, les actes d’antisémitisme étaient devenus de plus en plus fréquents et des groupes de fascistes pro nazi ont commencé à s’attaquer régulièrement à la population juive de la ville. Très rapidement, Imi a été nommé «le roi sans couronne» car, avec son expérience dans la lutte, la boxe et la levée du poids, il était devenu l’entraîneur des groupes d’autodéfense juifs. Ceux-ci empêchaient alors régulièrement les jeunes fascistes slovaques d’entrer dans les quartiers juifs. Entre 1936 et 1940, Imi a participé à un grand nombre d’actions violentes, toujours dans le but de protéger la population juive du mieux possible. Mais au cours de l’année 1940, étant devenu l’ennemi déclaré des antisémites, il a été forcé de s’enfuir de Bratislava. Il a quitté sa famille et ses amis et a pris le dernier bateau d’immigrants ayant réussi à passer entre les filets des nazis, le Pentcho, un vieux rafiot fluvial. C’était le début d’une longue odyssée de deux ans qui s’est achevée en Israël. En 1944, Imi a commencé à entraîner des unités d’élite et les forces spéciales de la Haganah et du Palmach dans les domaines où il était expert: la natation, l’utilisation du couteau, la défense contre les attaques à l’arme blanche, etc.
En 1948, après la fondation de l’État, Imi est devenu l’instructeur principal de la nouvelle armée d’Israël pour le combat rapproché et différentes formes de combat. Dès sa création, le jeune État juif a été agressé par les nations arabes. En raison du petit nombre de soldats et de la situation d’urgence, l’armée ne donnait aux hommes qu’une formation de six mois avant d’être envoyés au front. Parfois, certains étaient même enrôlés et expédiés directement au feu, sans aucun entraînement préalable. Les soldats avaient donc besoin d’une méthode utile pour le combat au corps à corps pouvant être enseignée rapidement, facile à retenir et surtout efficace. Imi Lichtenfeld, dont la réputation de combattant était très largement répandue, a alors été chargé de cette mission et c’est ainsi qu’est né le Krav Maga. Imi a servi pendant 20 ans dans l’armée et au cours de cette période, il a développé et constamment amélioré une méthode d’autodéfense et de combat au corps à corps unique au monde qui, aujourd’hui encore, est le système officiel de Tsahal, des forces de sécurité, de la police militaire, de la police nationale et des unités spéciales anti-terroristes.
Après avoir quitté l’armée, Imi a adapté le Krav Maga de type militaire aux besoins de la violence civile. Il a mis au point une méthode pouvant convenir à chacun, homme, femme et enfant afin que le cas échéant, l’individu soit à même de sauver sa vie sans subir de dommages personnels quelles que soient les motivations des attaques: criminelles ou nationalistes. Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, Imi Lichtenfeld n’était pas un «monsieur muscle» mais simplement un excellent enseignant d’éducation physique, inventif, qui évitait la violence et qui a contribué grandement au développement de la sécurité d’Israël au niveau individuel, ce qui d’une certaine manière a autant d’importance que la mise au point de nouvelles technologies militaires. Afin d’avoir une information précise sur les différents aspects du Krav Maga, nous avons été à la rencontre à Genève de M. Philippe Kaddouch, instructeur chef de l’École internationale de Krav Maga pour la Suisse, la France, l’Italie et la Belgique et le représentant de la Fédération Internationale de Krav Maga de ces quatre pays. Il a été instructeur puis instructeur chef pour toutes les unités d’élite de l’armée israélienne, où il a formé plus de quatre cents instructeurs.

Pouvez-vous en quelques mots nous présenter le Krav Maga ?
Il s’agit d’un sport de combat qui comporte essentiellement deux aspects: l’autodéfense et le combat au corps à corps. Le système est adapté à tous, puisque non seulement chacun a le droit de se défendre mais avec le Krav Maga, chacun peut se défendre, qu’il soit bien portant, en chaise roulante ou privé d’un bras ou d’une jambe. Quand je dis que «chacun a le droit de se défendre», j’exclus la racaille et nos ennemis. N’oublions pas que c’est une méthode israélienne et que, par conséquent, les membres des autres nations qui pourraient nous mettre en danger ne sont pas formés par nos soins.
Le Krav Maga est une discipline totalement différente de tous les Arts martiaux connus. Il s’agit d’un système basé sur des principes de logique et sur l’utilisation des réflexes naturels et des instincts. C’est une forme de conditionnement. Il en découle que, lorsque quelqu’un a atteint un niveau élevé dans l’un ou l’autre des Arts martiaux, il doit être complètement conditionné à neuf pour pouvoir faire du Krav Maga de manière utile et efficace. Notre but est d’apporter des solutions à des personnes traumatisées suite à une agression sans avoir été à même de se défendre. Le fait de savoir recevoir ou parer des coups lorsque l’on s’y attend ne constitue pratiquement aucun danger. Les risques sont toutefois très réels et très élevés lorsque l’on est pris par surprise. C’est là que réside la différence fondamentale entre le Krav Maga et les autres Arts martiaux qui, fondamentalement, ne sont pas des méthodes d’autodéfense, mais plutôt un sport où deux adeptes entrent en compétition l’un avec l’autre. Le Krav Maga est une forme de défense, modifiée en permanence et en mutation perpétuelle puisque la violence dans la rue change et évolue très rapidement. Heureusement, nous avons toujours une longueur d’avance sur les voyous, car notre système est à la fois mathématique et physique, ce qui nous permet de mesurer les dangers et d’agir préventivement. C’est pour cette raison qu’il n’y a pas de compétition dans le Krav Maga.
Nous enseignons des solutions simples, aussi bien un certain nombre de méthodes essentielles que des prises créatives adaptées aux nouvelles surprises de la violence de la rue. Les techniques de base sont: parer les coups, être à même de les encaisser et pouvoir dominer l'attaquant. Ceci inclut le fait de savoir faire face aux différents types d’agressions: étranglements, coups de pieds et de poings ou encore attaques avec des bâtons, des couteaux et même avec une arme à feu. Dans un deuxième temps, nos adhérents peuvent entrer dans une autre phase, celle du combat au corps à corps. Le but de cette formation est de savoir neutraliser rapidement et efficacement son assaillant, en maîtrisant différents éléments telles les feintes, les attaques avec combinaison de plusieurs techniques, la dimension psychologique du combat, etc. Pour terminer, nos élèves apprennent aussi à se défendre dans des situations particulières comme dans l’obscurité, en position assise ou couchée, au lit ou dans une voiture. Nous recevons des enfants dès qu’ils ont un début de maturité aussi bien physique que mentale, soit en général autour des neuf ou dix ans. Il faut bien comprendre que le Krav Maga constitue une arme de protection et qu’elle ne peut pas être mise entre des mains d’enfants irresponsables. Je pense qu’il est très important que les jeunes sachent se défendre. En général, ils ne sont pas attaqués vraiment méchamment par d’autres enfants, mais par des adultes plus forts et plus lourds qu’eux. Dans nos cours, les entraîneurs jouent le rôle d’agresseurs adultes, afin que les enfants apprennent à réagir dans des situations auxquelles ils peuvent être confrontés dans la rue.

Ne pensez-vous pas qu’en faisant pratiquer un sport de combat à un enfant, il s’agit d’une forme d’enseignement de la violence ?

Il ne faut pas confondre violence et agressivité qui est un attribut présent en chacun de nous et que l’on retrouve aussi bien au niveau commercial que dans toute forme de compétition sportive, professionnelle ou artistique. Tout parent sensé préfère voir son enfant rentrer à la maison en disant qu’il a cassé le nez de son copain, plutôt que de voir le nez de son enfant brisé. Ceci est d’autant plus vrai lorsqu’il s’agit d’une agression et non d’une simple petite bagarre entre enfants. Les beaux discours n’ont jamais permis à personne de se défendre face à un agresseur. De plus, il faut bien souligner que le Krav Maga n’a pas pour but de former des «bagarreurs», mais de donner à celui qui le pratique une sorte d’assurance qu’il peut utiliser en cas de besoin et qui lui permettra simplement de sauver sa vie ou celle de l’un de ses proches.

Sur un plan pratique, une personne qui souhaite apprendre le Krav Maga doit-elle suivre un entraînement sportif régulier ou de haut niveau ou être physiquement très forte ?

Absolument pas, il ne s’agit que d’une question de volonté et de motivation. Il est intéressant de constater que la majorité de nos adhérents a décidé de se lancer soit après avoir été agressé, soit après avoir entendu parler d’une agression dans leur entourage proche. Ceci est d’ailleurs vrai pour la plupart des sports de combats. Souvent, lorsque les parents se rendent compte que leurs enfants sont régulièrement assaillis dans la cour de l’école, ils décident de leur faire faire du Judo ou du Kung Fu «afin qu’ils sachent se défendre». Il faut savoir que, pour être à même d’apprendre correctement à se défendre, il faut s’entraîner au moins deux fois par semaine. Après six mois de formation, on peut estimer qu’un adhérent commence à pouvoir ressentir une certaine forme de confiance en soi. Ceci ne signifie de loin pas qu’il possède les techniques de base. A cet égard, je citerai Eyal Yanilov, chef instructeur de la Fédération Internationale de Krav Maga, élève et ami de Imi Lichtenfeld pendant 22 ans et qui répète toujours: «La dernière chose que l’on devrait tirer d’un entraînement d’autodéfense est un faux sentiment de sécurité». Une personne qui s’arrête pendant un certain temps peut reprendre pratiquement là où il a suspendu l’entraînement.

Comment se passe le premier cours du novice et ne risque-t-on pas de se blesser pendant les exercices ?

En ce qui concerne la seconde partie de votre question, il est vrai que des coups sont donnés, mais nous enseignons justement à les parer. Le premier jour, le nouvel adhérent est intégré à la classe et suit le cours. Les exigences de l’instructeur sont donc adaptées au niveau de cette personne qui est mise en confiance en étant placée face au meilleur élève du cours avec lequel elle fera un exercice. Elle apprendra par exemple à se défendre contre une attaque au couteau, en faisant un blocage pour ne pas recevoir le couteau dans le corps et une contre-attaque en portant un coup de poing ou un coup au visage.

Vos cours sont-ils également ouverts aux femmes ?

Bien évidemment, puisque dans la rue, les agresseurs ne font pas de distinction.

Nous vivons à une époque où les problèmes de violence à l’égard des jeunes Juifs se multiplient. A Genève par exemple, vous entraînez un groupe, le «Magen Israël», dont les dirigeants ont pris l’initiative de vous contacter. En votre qualité de responsable pour la formation d’instructeurs de Krav Maga pour quatre pays européens, avez-vous constaté une recrudescence de la demande au niveau communautaire ?

Absolument pas et ce malgré une certaine forme de peur qui s’est installée dans les esprits, d’ailleurs plus en France qu’en Suisse. Cette situation peut vous sembler curieuse ou paradoxale, or nous assistons exactement au même phénomène en ce qui concerne les forces de l’ordre. On pourrait imaginer que devant la recrudescence de la violence, leur formation évoluerait, mais ce n’est pas le cas.

Aujourd’hui, l’œuvre de Imi Lichtenfeld, décédé en 1998, est perpétuée dans le monde entier sous la direction de Eyal Yanilov, son élève, qui, depuis Israël, dirige la Fédération Internationale de Krav Maga. Actuellement, des milliers et des milliers d’adhérents de tous âges s’entraînent dans le monde entier au Krav Maga et ce aussi bien au niveau individuel que dans le cadre d’institutions policières et d’interventions. Malheureusement, les parents, les éducateurs et les responsables communautaires n’encouragent pas les jeunes Juifs, garçons et filles, à apprendre à se défendre contre les agressions. N’oublions pas que la violence est partout et ne frappe pas toujours «l’autre».

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