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Sommaire Lettonie Automne 2000 - Tishri 5761

Éditorial - Automne 2000
    • Éditorial

Roch Hachanah 5761
    • L'Humilité

Politique
    • Barak – Quitte ou double

Interview
    • Moshé Katsav Président !
    • Ma vie pour Israël

Reportage
    • Aux portes du Liban

Lettonie
    • Jérusalem et les républiques Baltes
    • «Notke» - «Riga un Latvijas Virsrabins»
    • Juif à Riga
    • Riga – Hier – Aujourd’hui – Demain
    •  «Post tenebras… lux»
    • Le Centre d’Études juives de Riga
    • Une tentative d’autobiographie
    • Le Musée juif de Riga

Suède
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Antisémitisme
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Le Musée juif de Riga

Par Le professeur Margers Vestermanis
A quoi devrait ressembler un musée juif dans une région où tout ce qui était juif a été détruit par l’Holocauste et où seules demeurent quelques pierres tombales miraculeusement rescapées ? Dans un tel contexte historique, un musée juif ne devrait-il être qu’un lieu où on rassemble des objets qui ont été sauvés de la destruction, des reliques que l’on veut protéger ? Ou devrait-il être le lieu du souvenir pour un monde qui a disparu à jamais, dans la souffrance et le tourment ? Nous avons retenu cette dernière option.
Dans leur haine, les nazis et leurs complices ont décidé d’anéantir non seulement notre peuple, mais aussi toute vérité historique le concernant. Selon leur intention, le monde ne devait retenir du peuple juif que l’idée de l’incarnation du Mal ou alors, «dans le pire des cas», il ne devait rester qu’une quantité statistique anonyme. Ils y sont parvenus sur toute la ligne. Aujourd’hui, face à de mauvaises intentions, nous ne sommes ni démunis ni désarmés.
Les images et les documents historiques nous permettent de préserver une vision juste de la vie juive. Il nous est possible de reproduire une image authentique des fêtes et de la vie quotidienne des Juifs, nous pouvons reconstituer leurs actes et leurs espoirs, sans qu’il soit nécessaire de les réviser ou de les glorifier. L’histoire difficile qu’ont connue les Juifs de Lettonie, qui s’étend sur quatre siècles, s’est déroulée sur un bout de pays à la destinée précaire, situé au bord de la mer Baltique et qui a toujours suscité la convoitise impérialiste des puissances voisines. Les conflits opposant les armées rivales, siècle après siècle, et le changement constant de souverain étranger maintenaient la population locale – et tout particulièrement les Juifs – dans un état d’incertitude permanent. L’accession à l’indépendance promettait un avenir meilleur. En effet, la première République de Lettonie (1918-1940), notamment la période de démocratie ayant précédé l’instauration d’un régime autoritaire et ethnocratique (1934), a permis un véritable épanouissement de la Communauté juive de ce pays. Mais il n’y a pas que la guerre qui soit caractéristique de l’histoire de cette région. Les courants de deux tendances, celle de l’ouest et celle de l’est, s’y sont longtemps affrontés: deux cultures, la russe et l’allemande, qui ont fortement marqué le mode de vie, la mentalité et l’orientation linguistique de la société juive. L’influence lettone a elle aussi gagné du terrain au cours du XXe siècle. Il est cependant frappant que la Communauté juive ait pu éviter l’assimilation, malgré son multilinguisme et la forte pression de son environnement multiculturel. Rien ne pouvait ébranler le yiddish, le mameloschn, la langue maternelle.
Ce n’est qu’au cours de la dernière décennie avant la Deuxième Guerre mondiale que l’ivrit, la langue de la renaissance nationale juive, a tenté de gagner du terrain sur le yiddish. Les communautés religieuses qu’avaient formées en Lettonie les Juifs en provenance d’Allemagne et de Lithuanie appartenaient – du point de vue historique – aux mitnagdim, qui étaient opposés à toute réforme de la croyance de nos ancêtres. En revanche dans les régions orientales, où les Juifs des villes et des villages étaient des émigrés d’Ukraine ou de Biélorusse, le hassidisme a introduit certains éléments propres au romantisme, ainsi qu’une joie de vivre insouciante et inébranlable dans les esprits rationnels des Juifs de Riga et de Courlande. De façon générale, les Juifs de Lettonie n’ont jamais été particulièrement religieux, mais ils n’ont cependant jamais douté de la nécessité de préserver l’essentiel de la tradition religieuse, considérée comme un élément central de l’identité nationale. Il n’est donc pas étonnant que les idées de la haskala – l’ère des lumières juive – se soient répandues plus tôt et plus facilement qu’en aucun autre lieu de la diaspora d’Europe orientale.
La palette des idéologies politiques était tout aussi bariolée que le kaléidoscope des influences culturelles. A la fin du XIXe siècle et plus particulièrement pendant la révolution de 1905, les slogans socialistes soulevaient l’enthousiasme parmi les travailleurs et les étudiants juifs. Le «Bund» social-démocrate était alors l’organisation juive la plus populaire. Le mouvement sioniste est toutefois né et s’est développé en parallèle au «Bund» et, sous la première République lettone, cette tendance dépassait de loin tous les autres mouvements politiques. Cette réalité n’a pas empêché les sionistes de se diviser en gauchistes, en religieux, en partisans de la droite ou encore en «révisionnistes». L’organisation politico-militaire de droite, Brit-Trumpeldor(le Betar), qui a fini par être présente dans le monde entier, est née et a fait ses premiers pas précisément ici, à Riga. Par la suite, les sionistes de Lettonie ont joué un rôle majeur dans la renaissance de la Palestine et la création de l’État d’Israël. La Lettonie, qui a toujours été ouverte aux idées et aux religions de cultures polyglottes, a produit de nombreux philosophes juifs contemporains: Jeshajahu Leibowitz et Isaiah Berlin. Le Grand Rabbin Abraham Kook a grandi dans cette tradition spirituelle. Par la suite, il est devenu le premier Grand Rabbin de Palestine. Il a joué un rôle important lors de la réconciliation des idées du sionisme politique et des postulats du judaïsme orthodoxe. C’est ici que se trouvent également les racines spirituelles de nombreuses personnalités créatrices juives: les Weinreich père et fils, spécialistes du yiddish, le sculpteur Naum Aronsohn, le baryton Joseph Schwarz et bien d’autres encore qui ont laissé leur empreinte sur la culture mondiale.
Le Musée ne peut pas remplacer les livres, car il est impossible de les raconter tous sous formes de panneaux d’exposition. L’atout de ce Musée réside dans son incontestable authenticité et dans les nombreuses pièces historiques originales qui racontent leur époque sans la moindre retouche et en toute objectivité. C’est précisément ainsi que nous voulons montrer quelle a été notre histoire à celui qui veut connaître la vérité sur nous, notre passé et notre tragédie. C’est alors que le vœu par lequel les Juifs prennent congé de leurs morts depuis des temps immémoriaux deviendra réalité: «Laisse ton âme être liée au lien des vivants».

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