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Sommaire Interview Automne 2007 - Tishri 5768

Editorial
    • Editorial Septembre 2007 [pdf]

Roch Hachanah 5768
    • Responsabilité [pdf]

Politique
    • Le choix d’Amman [pdf]

Interview
    • Puissance et moralité [pdf]

Reportage
    • Sdérot [pdf]
    • Goush Katif - Deux ans après [pdf]

Judée - Samarie
    • Des chiens et des hommes [pdf]

Analyse
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Sciences
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Art et Culture
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    • Position stratégique [pdf]
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    • Ouvertures et traditions [pdf]
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Crimes et Justice
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Ethique et Judaïsme
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La Mémoire
    • Les Evénements du mois de septembre [pdf]

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Puissance et moralité

Major Général Eliezer Shkedi.

Par Roland S. Süssmann
Rien ne nous emplit plus de fierté que la vue d’un F-15 ou d’un F-16I flanqué de l’étoile bleue, symbole de la fabuleuse puissance de l’État juif. Mais ces glorieux oiseaux ne forcent pas uniquement notre admiration lorsque nous les voyons passer au-dessus de nos têtes au cours d’un vol d’entraînement. A cet égard, je rappellerai ici ce que j’écrivais dans mon éditorial du Vol. 46 de SHALOM paru environ un mois après la fin de la Seconde guerre du Liban: «34 minutes ! C’est le temps qu’il a fallu à l’aviation israélienne pour détruire 95% des sites de lancements et des missiles à longue portée du Hezbollah au Liban. Grâce au travail remarquable du Mossad, Israël connaissait leurs emplacements exacts. Tel-Aviv et Jérusalem ont ainsi été épargnées.» Cette performance hors du commun des forces aériennes israéliennes fait aujourd’hui école dans toutes les académies militaires du monde libre.
Afin de nous permettre de mieux comprendre le rôle effectif de l’armée de l’air dans le contexte géostratégique du Moyen-Orient d’aujourd’hui, nous avons été à la rencontre du Major Général ELIEZER SHKEDI, commandant en chef de l’Armée de l’air israélienne, la fameuse IAF (Israel Air Force).
Le général Shkedi a fait toute sa carrière militaire dans l’aviation et depuis 1977, il a accumulé plus de 3’000 heures de vol pratiquées sur presque tous les avions et hélicoptères que compte l’armée. Il a participé à de nombreuses opérations, a été instructeur et planificateur et, pendant l’opération «Paix en Galilée» de 1982, il a abattu un avion ennemi. Le général Shkedi est également commandant de campagne pour les pays qui n’ont pas de frontière directe avec Israël, y compris l’Iran.
Charmant, les yeux pétillants d’intelligence, dégageant une forte personnalité, le général Shkedi nous a fixé rendez-vous à 7 heures du matin au quartier général de l’IDF, où il nous a reçus chaleureusement autour d’un café aussi fort que brûlant.

Avant d’entrer dans les détails, pouvez-vous nous donner un bref aperçu du rôle et de l’activité de l’aviation israélienne aujourd’hui ?

Avant de répondre de manière plus précise à la seconde partie de votre question, je voudrais vous dire quelques mots sur l’IAF en général. Nous avons plusieurs particularités dont la première est que nous sommes l’unique aviation militaire en Israël. Dans la majorité des autres pays, chaque branche de l’armée a sa propre aviation, comme c’est souvent le cas dans la marine. Notre seconde spécificité réside dans le fait qu’en Israël, l’aviation est en charge aussi bien de ce que nous appelons «la construction de la force» que de son utilisation. Cela signifie que toute opération aérienne est totalement régie par le commandement de l’IAF, de la planification et la préparation sur le terrain jusqu’à l’exécution finale. Notre troisième caractéristique est que nous sommes actifs dans la défense du pays ainsi que dans l’offensive militaire. La majorité des gens ne connaissent pas ces détails, toutefois tous comprennent que notre force aérienne a quelque chose de spécial. Lors de la création de l’État, Ben Gourion avait compris l’importance de la domination des cieux pour assurer la protection de l’établissement d’Israël.
Cela étant dit, notre activité s’étend sur un très large spectre que je diviserai en trois catégories: territoires proches, territoires à distance moyenne et territoires éloignés. Ainsi, toute la lutte antiterroriste que nous menons actuellement à Gaza est avant tout réalisée par l’aviation qui y joue un rôle central. Au nord, nous sommes actifs dans le cadre de la lutte contre les organisations terroristes installées dans des pays avec lesquels nous avons une frontière commune. Au Liban par exemple, le Hezbollah est établi dans un pays avec lequel nous avons une frontière commune, mais dont le gouvernement n’a pour ainsi dire aucun contrôle sur cette organisation terroriste. Nous pouvons également intervenir, lorsque cela s’avère nécessaire, dans des endroits très éloignés de nos frontières puisqu’il existe des pays avec lesquels nous n’avons pas de frontière commune et qui malgré tout nous combattent. Parallèlement, nous sommes confrontés au Hamas, organisme terroriste installé sur un terrain où il n’y a pas de gouvernement.

Vous nous avez parlé du Liban et du Hezbollah. Est-il exact qu’au cours de la première demi-heure de la Seconde guerre du Liban, l’aviation israélienne a détruit les missiles à longue portée du Hezbollah, sauvant ainsi Tel-Aviv et Jérusalem ?

Au cours de ce conflit, l’aviation militaire a déployé son activité dans plusieurs domaines. Tout d’abord, nous avons détruit toute l’infrastructure d’armements et de logistique du Hezbollah dans la région de Baalbek (Bekaa libanaise). Nous avons essentiellement agi par les airs, mais également avec des missions spéciales menées au sol. Mais la responsabilité de toute l’action militaire d’Israël conduites dans la région de la Bekaa libanaise était entre les mains de l’aviation. Nous avons détruit pratiquement toute l’infrastructure sur place ainsi que toutes les voies de communications entre le Liban et la Syrie. Le second volet de notre action se situait à Beyrouth même. En plein centre ville, le Hezbollah avait construit une véritable forteresse, aussi bien au sol que souterraine, où était concentrée la majeure partie de l’infrastructure que le Hezbollah avait construite au cours des dernières années. Il faut bien comprendre la précision de ces opérations. Nous avons réussi à détruire des infrastructures militaires et des bunkers installés dans une zone civile, sans toucher les immeubles où habitaient des femmes et des enfants. Nous avons ainsi touché 150 immeubles au centre de Beyrouth, chaque frappe atteignant exactement la cible prévue, ce qui constitue une performance militaire unique en soi. Le troisième volet de notre action, qui a directement trait à votre question, était dirigé contre ce que le Hezbollah appelait «son armement stratégique». Il s’agissait de missiles à moyenne et longue portée, dont le tir est plus précis. Ces roquettes munies de têtes explosives pouvaient effectivement toucher le centre d’Israël. C’est vrai qu’au cours des premières 30 à 40 minutes de la guerre, nous avons réussi à détruire la très grande majorité des missiles à moyenne et longue portée. De plus, pendant la guerre, chaque fois qu’un missile de ce type, dont nous n’avions pas démoli la rampe de lancement au début de la guerre, toujours muni d’une charge d’explosifs très importante, était mis à feu, nous l’avons immédiatement repéré et détruit en l’air, bien avant qu’il ne puisse s’approcher d’Israël. Bien entendu, au cours de ce conflit, notre action ne s’est pas limitée aux opérations que je viens de décrire, nous avons aussi apporté notre soutien aux forces terrestres, surtout dans la région de la frontière libanaise.

Fin juillet 2007, les USA ont annoncé leur intention de renforcer leur aide militaire dans la région, en particulier à l’Arabie saoudite. Comment voyez-vous l’évolution de l’aviation militaire israélienne face à cette nouvelle donne ?

En principe, nous mettons en permanence tout en œuvre pour améliorer les capacités opérationnelles de l’IAF et pour ce faire, nous devons toujours avoir une étape d’avance sur nos adversaires et disposer de la technologie de pointe la plus récente. Nous ne pouvons jamais nous contenter de ce que nous utilisons déjà, mais devons être perpétuellement à la recherche d’un développement technique de tout premier plan. Notre aviation militaire se compose de deux éléments essentiels et d’importance identique: le matériel que nous livrent les USA et éventuellement d’autres pays, et l’amélioration que l’industrie aéronautique et militaire israélienne peut y apporter ce qui, dans certains cas, a un impact bien plus considérable. Il ne faut pas oublier que l’État d’Israël dispose de moyens exceptionnels et de gens extrêmement capables et inventifs qui arrivent à mettre au point des technologies qui dépassent l’entendement et qui sont hors du commun. Nous disposons effectivement de ce que j’appellerai des «plateformes de base», à savoir des avions ou d’autres éléments, mais dont l’intérieur est modifié et rempli d’une technologie israélienne unique au monde. Cela étant dit, le fait que des pays environnants reçoivent de l’armement moderne nous contrarie mais constitue un défi supplémentaire pour nous qui nous oblige à penser plus vite et plus loin. Nous devons tout le temps mettre au point des armes plus efficaces, plus rapides, plus précises, plus modernes et être à même de contrer toutes les armes qui existent actuellement. D’une part, nous sommes contrariés, mais d’autre part, nous sommes placés devant un défi énorme auquel nous sommes appelés à faire face quotidiennement. Des secteurs entiers de l’industrie israélienne, dont l’activité concerne l’attaque, la défense, la guerre électronique et le monde des explosifs, utilisent toutes leurs capacités afin qu’aussi bien sur le plan défensif qu’offensif nous soyons toujours à même de battre nos ennemis, quels que soient les types d’armements qu’ils puissent obtenir.

Ce que vous dites est très encourageant, toutefois, depuis la Seconde guerre du Liban, le monde juif est inquiet et se pose de nombreuses questions quant aux véritables capacités de défense de l’armée israélienne en général. Pensez-vous qu’il y ait effectivement lieu de s’alarmer ?

Il est vrai que l’armée de l’air fait partie intégrante de l’IDF et de l’État d’Israël. Pour ma part, j’estime que nous sommes les forces aériennes du peuple juif et que dans cet esprit nous avons une responsabilité particulière. Si vous regardez autour de vous la décoration de mon bureau, vous y verrez trois tableaux: le premier est un survol de Massada par nos avions; le second, le survol par nos avions d’Auschwitz, symbole dont la puissance se passe de tout commentaire; et finalement, une colombe de la paix. Nous n’oublions jamais ce qui nous est arrivé il y a moins de 70 ans et que pour réaliser notre rêve de vivre en paix, celui-ci ne peut être basé que sur deux éléments: notre puissance et notre détermination. Notre message est clair, personne ne doit se tromper et croire qu’il existe un moyen de nous détruire ou même de nous infliger un dommage irréparable. C’est dans cet esprit que nous investissons temps, argent, énergie et tous nos efforts, car nous savons combien notre tâche et notre responsabilité sont importantes.

Il est bien connu que personne ne souhaite s’allier à un État affaibli. Pensez-vous que la décision américaine de doter des pays arabes, en particulier l’Arabie saoudite, d’armements modernes, affaiblira, à long ou moyen terme l’image de la puissance d’Israël et pourrait avoir des conséquences néfastes ?

Bien évidemment, nous souhaitons toujours disposer du meilleur armement possible afin d’être à même de faire face aux pays avec lesquels nous ne vivons pas en paix. Cela étant dit, la capacité de frappe d’Israël face à des États hostiles est remarquable. Ce qui peut de temps en temps mener à la confusion, c’est la différence qui existe entre la manière de combattre le terrorisme et celle de combattre un pays. En quoi réside cette différence ? Nous sommes face à deux types de guerres différentes. D’une part, le conflit avec les organisations terroristes, qui se cachent parmi la population civile d’où elles mènent leurs agressions et dont les agissements sont indépendants, car aucun État ni aucune autorité n’en réclament la responsabilité. Nous devons débusquer les responsables et les rendre inopérants. D’autre part, la guerre face à un État disposant d’une armée et d’une force d’aviation, ce qui en soi est une situation plus claire et qui permet une forme d’intervention bien différente. Si nous devons frapper à un endroit précis et infliger un dommage important, l’IDF et l’État d’Israël sont à même de le faire où que ce soit et ce aussi bien au Liban qu’ailleurs. De plus, je sais que tous les pays de la région savent très bien évaluer et ce de manière extrêmement précise la capacité d’action d’Israël contre eux. Ils ne se trompent pas et n’ont pas d’illusions à ce sujet. Ils sont conscients de ce que cela signifie lorsqu’Israël décide de s’élever contre un pays, une armée ou une infrastructure militaire. Nous savons de source sûre que les dirigeants des pays de la région savent très bien faire la différence entre une action menée par Israël contre une organisation terroriste qui se cache parmi la population civile et qu’Israël réussit à frapper sans pour autant toucher les habitants qui lui servent de paravent, et une opération militaire d’envergure menée contre un État souverain.

Malgré tout, ne croyez-vous pas que le fait que les États-Unis renforcent soudainement les ennemis d’Israël projette une image négative, voire d’affaiblissement, de l’État juif à travers le monde ?

Tout d’abord, je dois souligner que l’Amérique est un véritable ami d’Israël et qu’une amitié authentique, profonde et de longue date nous lie. Je ne pense pas qu’elle fasse quoi que ce soit dont elle estime que cela puisse nous porter préjudice. De plus, les USA sont fondamentalement engagés à tout mettre en œuvre afin que le niveau de défense de l’État d’Israël soit maintenu. L’engagement américain à l’égard d’Israël est très large et je n’ai aucune raison de penser que les derniers développements constituent une indication d’un début de changement d’attitude.

Il y a quelque temps, nous étions à Sdérot et avons pu constater sur place les dégâts et le malheur provoqués par les roquettes Kassam qui continuent de pleuvoir sur cette citée martyrisée. Vous nous avez dit que l’aviation est directement impliquée dans la lutte contre le terrorisme. Pratiquement, que pouvez-vous faire pour mettre un terme à ce fléau ?

Je tiens à dire que les attaques aux Kassam sont une forme d’agression qui non seulement nous harasse, mais nous affecte énormément. Il faut savoir que le but d’un terroriste est avant tout de faire le plus de mal possible aux citoyens en s’attaquant de préférence aux femmes et aux enfants. Plus ils blesseront de civils, mieux ils auront atteint leurs buts. En tant que Juifs et Occidentaux, nous avons une approche nettement différente: nous voulons frapper le terroriste, mais pas son épouse et pas ses enfants. Or, la décision finale nous appartient et nous devons faire le choix de savoir ce que nous voulons faire: si oui ou non nous sommes disposés à tuer des femmes et des enfants, parce qu’un terroriste qui nous attaque se cache derrière eux, dissimule les roquettes dans la chambre de ses enfants, les met à feu de son balcon et de son jardin, ou si nous voulons agir selon nos principes moraux. Sur ce point précis il n’y a pas de réponse simple, car nous nous trouvons engagés dans un débat permanent qui est de savoir ce qu’il faut faire et quelle est l’action juste à mener. La question qui se pose est de savoir à quel moment il faut agir de manière plus agressive, voire même s’il est judicieux de lancer une offensive terrestre d’envergure, etc. Dans ce débat, j’estime que notre véritable victoire ne s’obtient pas absolument et exclusivement par le biais des armes mais par le maintien de nos principes et de notre moralité. Avec le temps, et face à des ennemis de cette sorte qui sont des terroristes sans foi ni loi, nous nous trouvons devant un défi de taille qui est celui de continuer à exister en tant qu’État et que peuple. Pour cela, il n’y a qu’une seule solution qui est exclusivement vis-à-vis de nous-mêmes, à l’intérieur de notre société, dans notre peuple, afin que nous puissions garder la tête haute et dire: «nous avons agi de manière juste et morale sans dévier de nos principes fondamentaux». Je voudrais souligner que dans ce domaine, la voie que nous avons choisie pour combattre le terrorisme est unique au monde. Il suffit d’observer la conduite d’autres peuples qui, confrontés au terrorisme, ont frappé sans distinction femmes et enfants lorsque leurs dirigeants ont perdu patience. Munis de principes moraux très élevés, profondément ancrés en nous, et de notre force intérieure, nous ne pouvons simplement pas accepter l’idée d’être conduits à frapper des femmes et des enfants. Ceci n’est pas simple et a un prix très élevé, que nous payons tous les jours.

Nous sommes à la veille de Roch Hachanah. Avez-vous un message particulier pour les lectrices et les lecteurs de SHALOM ?

En ce qui me concerne, je suis avant tout un Juif et ce avant de me sentir Israélien. Pour moi, Roch Hachanah est la fête qui réunit le peuple juif dans l’espoir, bien que toute l’année nous ne constituions pas qu’un seul et unique groupe. Comme je vous l’ai dit, je dirige les forces aériennes du peuple juif et je nous souhaite à tous une année tranquille et sûre de tous les points de vue. Pour notre part, nous continuerons à veiller sur notre État et sur notre peuple. Je n’ai pas oublié ce qui s’est passé dans notre histoire, la manière dont nous étions considérés et ce que l’on nous a fait. Je ne crois pas que ceci ait disparu et qu’aujourd’hui, nous soyons acceptés pleinement et que nous puissions vivre en toute quiétude dans la diaspora. Par conséquent, l’une de mes responsabilités est d’assurer à chaque Juif du monde la certitude qu’il existe un endroit où il pourra toujours se rendre pour vivre en sécurité absolue. Bien entendu, nous comptons aussi sur lui pour qu’il nous aide à donner à ce pays, la terre et l’État d’Israël, l’essor qu’il mérite, afin que nous puissions finalement accéder à la paix à laquelle nous aspirons tant.

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