News Numéro courant Sondage: résultats Recherche Archives Deutsch English Русский עברית Español


Sommaire Politique Printemps 1994 - Pessah 5754

Éditorial - Mars 1994
    • Éditorial

Fêtes juives
    • Pessah 5754

Politique
    • Conséquences d'une tuerie

Interview
    • Hier - aujourd'hui - demain
    • Une et indivisible

Terrorisme
    • Un flambeau éternel

Portrait
    • Le fou du roi

Judée - Samarie - Gaza
    • La
    • Les derniers Juifs de Jéricho

Analyse
    • Terrorisme et illusions
    • Les multilatérales

Art et Culture
    • Scribes et imprimeurs
    • Arthur Ségal - 1875-1944

Israël - Diaspora
    • Israël et le judaïsme mondial

Israël - Vatican
    • "Un mariage civil"

Biographie
    • Sir John Pitchard, His Life in Music

Éthique et Judaïsme
    • Statistique et probabilité

Envoyer par e-mail...
Conséquences d'une tuerie

Par Emmanuel Halperin,
notre correspondant à Jérusalem
On ne saura jamais pourquoi Barouch Goldstein a fait ce qu'il a fait. Acte de démence ? Désir dévoyé d'un illuminé qui se prendrait pour Samson faisant s'écrouler les colonnes du Temple ? Opération mûrement réfléchie d'un kamikaze juif résolu à tout pour enrayer le processus des négociations, pour empêcher ce qu'il juge être un crime contre l'Histoire, contre la volonté divine: la cession d'une partie de la terre d'Israël aux ennemis du peuple juif ?
Cela, on ne le saura pas. Mais on sait déjà que si l'objectif du meurtrier était bien d'empêcher la poursuite des négociations, tout le sang versé n'aura pas cet effet, ne pouvait pas l'atteindre, ne pouvait qu'avoir des conséquences contraires, peut-être même diamétralement opposées.
Itzhak Rabin et Yasser Arafat ne peuvent pas reculer. Le Premier Ministre israélien, même s'il pense, en son âme et conscience, que les accords d'Oslo et du Caire sont dangereux pour Israël, ne peut échapper à la poignée de mains de Washington, qui l'engage, qui engage son gouvernement, qui désormais est la principale raison d'être de ce gouvernement. Georges Brassens, paraphrasant le pari de Pascal, chantait: "Faites semblant de croire et vous croirez." "Même si vous n'y croyez pas, faites semblant de croire" au prétendu processus de paix, c'est cette rengaine que M. Rabin croit nécessaire d'égrener. La tuerie de Hébron ne peut que le faire s'agripper un peu plus aux accords signés avec l'OLP. C'est psychologiquement évident, c'est, de son point de vue, politiquement nécessaire.
Le point de vue d'Arafat n'est pas fondamentalement différent. Bien sûr, le naturel l'emporte: le chef de l'OLP ne peut s'empêcher d'accuser l'armée israélienne, le gouvernement israélien, d'être directement responsables de ce qui s'est passé au caveau des Patriarches. Il se sait en position quasi minoritaire au sein de son organisation, un peu comme M. Rabin, dont la coalition ne tient que grâce à l'appoint de quelques députés arabes. Et puis, n'est-ce pas l'occasion d'obtenir des Israéliens des concessions qui, jusqu'à présent, semblaient hors d'atteinte ? L'OLP n'y va pas par quatre chemins: il faut démanteler des localités juives de Judée-Samarie et de Gaza, "obstacles à la paix", et dans un premier temps désarmer leurs habitants, il faut libérer tous les terroristes emprisonnés, il faut faire intervenir une force internationale...
Malgré le choc, malgré la honte, le gouvernement israélien résiste à cette vague de revendications qui en dit long sur les objectifs ultimes de l'organisation palestinienne. Mais il faut compter avec l'opinion publique, à l'intérieur comme à l'extérieur, et avec les gouvernements étrangers. On libère à la hâte un millier de prisonniers, ce qui est accueilli avec mépris par l'OLP, puisque les assassins, ceux qui ont tué des Juifs, restent en prison. Pour l'instant. On laisse entendre que l'on pourrait accepter une "présence internationale" à Gaza et à Jéricho, puisque les accords d'Oslo font état d'une telle possibilité. Bien sûr, il ne s'agirait que "d'observateurs" non armés. Pour l'instant. Car accepter, sur le terrain, une intervention des puissances étrangères, serait mettre le doigt dans l'engrenage conduisant à une mainmise de l'ONU.
Le plus grave concerne bien sûr les localités juives. Leur statut devrait être examiné au dernier stade de la négociation, c'est-à-dire trois ans après l'entrée en vigueur de l'autonomie palestinienne. Or il se trouve de plus en plus de voix, au sein de l'opinion et dans la classe politique israélienne, pour exiger un "grand bond en avant" dont le dessein serait de mettre fin, purement et simplement, et le plus vite possible, à toute présence juive dans les territoires. Les 130'000 Juifs de Judée, Samarie et Gaza sont de plus en plus souvent présentés comme un handicap, et puisque Goldstein résidait à Kyriat Arba, tous les habitants juifs des villes et villages de ces régions sont assimilés peu ou prou à l'assassin. Évidemment, on se garde de dire qu'ils sont coupables, directement responsables, mais on s'emploie à accréditer l'idée que la présence de Juifs et d'Arabes sur un même lieu, que leur proximité physique, présente un risque de dérapage, de violence, de catastrophe. La preuve.
Les responsables de la population juive des territoires ont beau condamner la tuerie, leur position devient intenable. Il se trouve déjà des ministres pour préconiser, dans un premier temps, le déplacement, autrement dit l'expulsion, des quelques dizaines de familles juives qui résident au centre de Hébron, dans l'ancien quartier juif évacué après les massacres de 1929. Si une telle décision était prise, son impact symbolique et psychologique serait d'une extrême gravité. Car si Juifs et Arabes ne peuvent vivre côte à côte à Hébron, quel sens donner au processus de paix ? De quelle "réconciliation" parle-t-on ? Et pourquoi ce qui serait "impossible" à Hébron, serait "tolérable" et même "naturel" à Haïfa ou à Jaffa ?
Le cas de Jaffa est exemplaire. Les Arabes de cette ville, qui fait aujourd'hui partie de Tel-Aviv, ont violemment manifesté au lendemain de la tuerie de Hébron, et s'en sont pris aux passants et aux magasins d'une artère centrale. L'Intifadah déborderait-elle, pour englober les Arabes citoyens d'Israël ? On a vu des scènes semblables en Galilée et même dans les localités bédouines du Néguev, avec jets de pierres et drapeaux palestiniens. Cela donne curieusement raison au slogan, adopté depuis peu par le Conseil juif des territoires, à l'intention des habitants de la plaine côtière: "La Judée-Samarie et Gaza, c'est ici". Le sens premier de ce slogan est que les problèmes de sécurité des telaviviens, sont indissolublement liés à ceux des habitants d'Ariel ou de Kedoumim. Or on découvre que la formule s'applique - ou risque de s'appliquer demain - aux Arabes israéliens, qui sont des Arabes palestiniens, qui sont nombreux (bientôt un million) et dont le combat ne fait peut-être que commencer. A cet égard, l'acte du meurtrier de Hébron aura servi de révélateur.
On en arrive donc, dans ce Proche-Orient que l'on croyait en voie de pacification, à ce que les États-Unis recommandent à leurs ressortissants d'éviter de séjourner en ces "lieux dangereux" que sont Nazareth et Jaffa. Du jamais vu. Le gouvernement israélien se trouve soumis à des pressions auxquelles il lui sera difficile de résister; l'immigration des pays de l'ex Union soviétique va sans doute souffrir de ces événements, car à la télévision de Moscou on peut voir que Jaffa est en flammes; une commission d'enquête, dont M. Rabin ne voulait pas mais qu'il s'est vu contraint d'accepter, va peut-être conclure que le gouvernement "aurait dû prévoir", "aurait dû prendre en compte" la possibilité qu'un extrémiste commette cet acte insensé. C'est donc dans une très mauvaise auberge que M. Rabin est descendu. Il n'est pas près d'en sortir, et ce n'est ni son extrême gauche, ni Yasser Arafat, ni le président Clinton, qui sauront lui trouver une issue. Il faudra bien continuer, cahin-caha, à essayer d'appliquer les mauvais accords d'Oslo et du Caire, en limitant les dégâts, ou en croyant les limiter.

Contacts
Redaction: edition@shalom-magazine.com   |  Advertising: advert@shalom-magazine.com
Webmaster: webmaster@shalom-magazine.com

© S.A. 2004