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Sommaire Sciences Automne 2007 - Tishri 5768

Editorial
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Roch Hachanah 5768
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Politique
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Reportage
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Judée - Samarie
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Sciences
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Crimes et Justice
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Ethique et Judaïsme
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Sauver des vies

Le colonel Yotam. (Photo: Bethsabée Süssmann)

Par Roland S. Süssmann
Le bruit des armes automatiques et des grenades qui explosent crépite de partout, il y a de la fumée, bref c’est le décor classique d’un champ de bataille. Le son d’un hélicoptère qui atterrit se fait entendre, et quelques soldats blessés gisent au sol. Soudain, deux ou trois médecins ou soigneurs de l’armée arrivent en courant. En un clin d’œil, ils font une première estimation de la situation et se précipitent sur le soldat le plus gravement atteint, celui qui a reçu une balle dans la poitrine. Le commandant du groupe dit «donnez-lui de la morphine», un soldat s’agenouille près du blessé et lui demande «m’entendez-vous ? ». Sur quel champ de bataille sommes-nous ?
En fait sur aucun. A quelques pas de nous, un étudiant en médecine, confiné dans une pièce hermétique, dirige avec son ordinateur la pression sanguine de notre blessé, son niveau d’oxygène, la quantité de sang qu’il perd, la contraction des ventricules cardiaques (au choix, gauche ou droite), etc. Nous sommes au Centre militaire de simulation médicale où des mannequins en plastique, totalement informatisés, permettent aux hommes et aux femmes de Tsahal qui demain seront appelés à agir sur les champs de bataille de s’entrainer et d’apprendre les gestes justes qui sauvent des vies.
C’est dans une base militaire proche de Tel-Aviv que nous avons été reçus par le commandant YOTAM, instructeur en chef de l’école dite de «médecine» de l’armée et responsable des programmes d’études et éducatifs de ce centre d’instruction ainsi que des méthodes d’enseignements qui y sont utilisées, dont le simulateur médical constitue un aspect central.

Comment se passe la formation des jeunes soldats qui sont intégrés dans une unité sanitaire de l’armée ?

En Israël, il n’y a qu’un seul centre de formation médicale militaire qui reçoit les élèves de tous les secteurs de l’armée: l’aviation, la marine et les forces terrestres. Il ne s’agit pas d’une faculté de médecine au sens civil du terme, car elle ne forme pas de médecins, mais prépare les soldats du secteur sanitaire à tous les aspects des professions médicales militaires; les médecins de la vie civile reçoivent chez nous leur formation de médecins de l’armée. Dans le cadre du service obligatoire, nous accueillons des jeunes gens qui ont en moyenne 18 ans, qui n’ont aucune connaissance préalable, pas de formation et évidemment pas d’expérience médicale quelle qu’elle soit. Nous avons quelques mois pour leur apprendre à sauver des vies. Je sais qu’en général l’armée n’est pas une institution dont la mission première est de sauver des vies, bien au contraire. Dans notre école, le sauvetage d’une vie est le but suprême et la valeur la plus importante. Tous nos élèves et tous nos instructeurs sont bien conscients de ce fait. Nous disposons donc de 9-12 semaines pour former des infirmiers et aides-soignants et nous recevons en moyenne 2200 recrues par an. Afin de leur permettre d’acquérir une formation, nous commençons par le début, soit des cours de base d’anatomie et de physiologie générale que nous concentrons sur 15 jours. Une fois ces connaissances minimales acquises, nous quittons les cours théoriques, qui se passent bien au chaud et à l’abri, pour les confronter à la réalité sur le terrain. L’environnement dans lequel nos protégés devront agir est en général sombre, bruyant, stressant et terrifiant. C’est pourquoi, dès le troisième où le quatrième jour de cours, nous emmenons nos élèves pour un entraînement sur le terrain. Bien entendu, nous avons des cours spécifiques pour les aides soignants de combat, mais nous formons aussi des infirmiers qui travailleront à l’intérieur des hôpitaux, souvent dans les hôpitaux de campagne.

Comment choisissez-vous vos élèves ?

Tout d’abord, il faut savoir qu’il n’est pas évident d’enseigner à un jeune de 18 ans la valeur de la vie. Mais nous nous y employons. Certains de nos jeunes sont désignés avant d’entrer à l’armée car souvent ils font déjà partie de groupes de sauvetage, ont fait des cours de premiers secours, etc. D’autres sont intégrés dans des unités combattantes, où ils ont été repérés pendant leur service actif comme étant particulièrement capables d’entrer dans nos rangs et d’être formés dans le domaine médical. Ils viennent chez nous pour acquérir une formation médicale de combat, puis retournent dans leur unité pour servir comme aide sanitaire. Cela étant dit, les candidats qui sont envoyés dans notre centre ont des qualités humaines exceptionnelles car, pour être capable de prendre la responsabilité de sauver la vie de son camarade qui perd son sang, qui crie à l’aide et que l’on sent partir, il faut être très solide et psychologiquement très équilibré. Nous mettons un accent particulier sur l’enseignement des valeurs humaines, comme la dignité, l’amitié et le traitement de la douleur.

Outre les classes d’infirmier et d’aide-soignant, quels autres cours enseignez-vous ?

Il faut savoir que lorsque quelqu’un entre à l’armée, il est totalement pris en charge sur le plan médical et ce aussi bien au niveau des soins, des urgences et de la prévention. C’est pourquoi nous formons des assistants pour les dentistes et d’autres domaines spécialisés. Nous avons aussi un certain nombre de cours destinés plus particulièrement à des techniciens médicaux et qui sont plus courts. Nous formons aussi des gens capables d’utiliser et de faire fonctionner toute la technologie liée à l’utilisation de nos mannequins en plastique qui sont informatisés. D’ailleurs, cette formation leur donne la possibilité d’avoir par la suite un travail dans le Centre médical de simulation - MSR (voir l’article Capacités et humilités).

Comment l’entrainement des médecins confirmés se passe-t-il ?

Les cours pour les professionnels de la médecine sont divisés en deux secteurs: d’une part toutes les professions médicales et d’autre part les médecins. En ce qui concerne la première partie, je vous citerai l’exemple d’un soldat sanitaire qui doit prendre la responsabilité de tout ce qui a trait à la médecine dans un bataillon. Ceci ne s’apprend pas dans un cours du Magen David Adom ou même dans le cadre des cours de médecine de combat chez nous. Il s’agit d’un cours particulier de dix semaines et au cours duquel la personne apprend comment organiser toute la question médicale d’un bataillon. Le cours le plus long que nous donnons dure une année, c’est celui de la formation des sauveteurs. Ce sont eux qui correspondent le mieux aux besoins de l’armée parce qu’ils ont l’habitude de travailler dans l’urgence et à l’extérieur de l’hôpital. Il est vrai qu’ils connaissent ce qu’un professionnel de ce type doit savoir pour pouvoir travailler dans la vie civile, mais nous devons y ajouter tous les aspects militaires. C’est une chose d’intervenir lors d’un accident de voiture, aussi grave soit-il ou de donner les premiers soins à quelqu’un qui a une crise cardiaque, c’en est une autre de savoir apporter les premiers secours sur un champ de bataille et de travailler dans des conditions de stress d’un type particulier. Quant aux médecins, comme je vous l’ai dit, l’armée ne dispose pas d’une faculté de médecine qui lui soit propre et nos médecins proviennent de la vie civile. Bien que tout citoyen soit contraint de faire son service militaire à l’âge de 18 ans, l’armée autorise les étudiants en médecine de reporter leur service actif et dispose même d’un système de bourses d’études pour eux. A la fin de leurs études, ces médecins ont un grand savoir académique ainsi qu’une certaine expérience médicale, mais acquise dans un milieu hospitalier civil où ils sont secondés par des infirmières. Celles-ci connaissent parfaitement l’hôpital et le service où elles travaillent et ont suivi une formation de quatre années. Dans l’hôpital de campagne, il n’y a pas d’infirmières, mais des aides médicales militaires, qui ont reçu une excellente formation qui a duré dix à douze semaines. Le médecin doit apprendre à connaître et à travailler dans un environnement totalement différent de celui qu’il connaît. Ses patients également sont différents. On estime généralement que les malades hospitalisés dans le civil ont une moyenne d’âge se situant entre 55 et 75 ans et ont les maladies classiques de cette classe d’âge. Dans un hôpital militaire, les patients ont un peu plus de 18 ans, ils ne sont pas malades, mais blessés, stressés, etc. Par exemple, lorsqu’un jeune soldat fait une marche de 60km avec sur son dos un sac de 30kilos en plus d’une arme qui pèse lourd, son corps est meurtri d’une certaine manière. Les médecins se retrouvent face à des lésions qu’ils ne rencontrent pas dans la vie civile et qu’ils doivent savoir traiter. La bureaucratie militaire est bien différente de la civile. Les cours durent 14 semaines mais après 7 semaines, les médecins de cliniques et les médecins de combat suivent un cours séparé de quinze jours et les classes sont reformées ensuite pour la fin de l’instruction. A l’issue de cette formation, les hommes qui partent sur le terrain sont prêts et savent faire face à la plupart des situations auxquelles ils seront confrontés. C’est sur ce point précis que le simulateur médical informatisé que nous avons installé ici joue un rôle extrêmement utile et efficace.

Une grande partie de l’armée israélienne est constituée de réservistes. Travaillez-vous avec eux et si oui que faites-vous pour les intégrer dans le cadre de la médecine militaire ?

La réponse est évidemment oui et nous leur faisons passer un cycle de formation et de recyclage qui, selon les unités où ils sont intégrés, peut avoir lieu une fois par an ou une fois tous les deux ans. Le problème avec ces hommes réside dans le fait que pendant toute l’année, ils ont une activité civile qui souvent peut être très éloignée de la médecine militaire. Un médecin réserviste peut par exemple être le conseil médical d’une assurance ou d’une société pharmaceutique. Bien entendu, nous avons également des médecins d’urgences, des chirurgiens ou des anesthésistes dans ces rangs, mais ils ne représentent de loin pas la majorité. Les hommes qui nous rejoignent pour une période de service actif n’ont donc naturellement pas l’habitude de traiter des patients gravement blessés et qui de plus doivent être sauvés dans des conditions extrêmes. Lorsqu’ils arrivent ici, j’ai une semaine pour les préparer.

Comment faites-vous ?
Le premier jour, je les mets en situation du scénario le plus catastrophique qu’ils puissent rencontrer. S’ils arrivent à faire face, nous partons sur de bonnes bases. Toutefois, en raison du peu de temps qui nous est imparti, l’entrainement se fait directement au sein même du bataillon, souvent sous une tente, avec une chaleur torride et des gens qui n’ont qu’une seule idée en tête: rentrer chez eux. Or nos instructeurs doivent être convaincants, intéressants et suffisamment forts pour faire participer activement tous ces gens à un cours dont ils devront sortir en étant capables de sauver des vies !
Ceci semble être «mission impossible» et pourtant, nos instructeurs y arrivent très bien car, l’année dernière, lors de la Seconde guerre du Liban, tous ces hommes sont venus chez nous pour nous aider à sauver des vies. Tous ont fait le serment de mettre leur vie en danger pour sauver celle des autres, qui qu’ils soient et où qu’ils soient. Au Liban, nos sauveteurs étaient sur la ligne de front, dans les maisons libanaises avec nos soldats. Nous avons eu treize morts dans nos rangs, des gens qui ont accepté de payer de leurs vies le sauvetage de leurs camarades.

Chaque bataillon a-t-il sa propre équipe médicale ?

Toute activité militaire est encadrée médicalement. Mais ceci varie évidemment de cas en cas et dépend du niveau de risque, des possibilités d’évacuation, etc.

Quels sont vos autres secteurs de formation ?

Dans le département de traumatologie, fondé en 1998, nous avons acquis les droits d’utiliser un système intitulé «Advanced trauma life support system» de l’American College of Surgeons, qui est une doctrine spécifique développée par l’association des chirurgiens américains pour les soins et la chirurgie d’urgence. Nous donnons ici deux sortes de cours dans ce domaine, l’un pour le traitement de traumatismes dans la vie civile et l’autre militaire. Nous sommes la seule institution en Israël qualifiée pour instruire cette doctrine. Cela signifie aussi que tout médecin qui veut se spécialiser en médecine d’urgence, en chirurgie ou en anesthésiologie, doit passer par nos cours. Parfois ceci peut mener à une situation assez cocasse comme celle de cette femme arabe palestinienne qui, dans le cadre d’une formation en traumatologie à l’Hôpital Hadassa de Jérusalem, a été obligée de venir suivre notre cours dans note base militaire….

Vous nous avez dit que l’action la plus importante de votre mission est de sauver des vies ce qui, après tout, n’est que normal pour une armée juive puisque dans le judaïsme, la vie est la valeur la plus importante. Mais quelles sont les bases morales de votre action et avez-vous un code éthique de conduite ?

Naturellement, celui de Tsahal, basé sur la tradition juive, la Halacha, la Torah, les traditions de l’État d’Israël et nos traditions militaires, où la dignité humaine constitue l’un des éléments principaux.
La dernière section de notre institution porte sur la formation des instructeurs et la partie dont je suis personnellement responsable et que je préfère, celle de la préparation de l’avenir et des méthodes de formation de demain. Dans cet esprit, nous sommes sur le point d’installer un simulateur identique à celui que nous avons déjà pour la médecine de combat, mais pour une clinique de campagne. Je terminerai en vous disant que des représentants des armées du monde nous rendent visite pour s’inspirer de notre action et pour ma part, je vais aussi dans le monde entier pour présenter ce que nous faisons et instruire d’autres armées. Ce qui est fabuleux dans notre domaine, c’est que, contrairement aux autres activités militaires, nous pouvons diffuser ce que nous faisons et le partager avec ceux qui ont le même but que nous: sauver des vies !


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