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Sommaire Éducation Automne 1996 - Tishri 5757

Éditorial - Septembre 1996
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Roch Hachanah 5757
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Force et excellence

Par Roland S. Süssmann
Depuis quelques années, un changement très important s'est opéré dans les fondements mêmes de l'armée israélienne. En effet, les jeunes gens religieux sont de plus en plus nombreux à intégrer les unités d'élite de combat, de l'aviation et de la marine, remplaçant ainsi progressivement les volontaires issus des kiboutzim. Les faits démontrent qu'environ un tiers de ceux qui terminent les cours d'officiers de l'armée sont des Juifs pratiquants; deux tiers des unités d'élite de la fameuse brigade des Golani sont religieux; les meilleurs résultats aux examens finaux des cours d'officiers de bataillons d'infanterie des trois dernières années ont été obtenus par des Juifs de stricte observance. Comment et pourquoi une telle évolution, pour ne pas dire "révolution", a-t-elle eu lieu ?

Ce nouveau phénomène en marche dans la société israélienne qui, n'en doutons pas, aura inévitablement à moyen terme des répercussions dans la Diaspora, est le résultat de la clairvoyance et de l'action déterminée du rabbin ELI SADAN qui a fondé il y a huit ans la YESHIVAH BNEI DAVID située à Eli, sur une colline sauvage en plein cýur de la Samarie.

Rappelons que depuis la création de l'Etat et jusqu'à très récemment, l'armée israélienne était la "chasse gardée" du mouvement des kiboutzim. Les Juifs pratiquants n'avaient aucune influence sur les grandes institutions du pays. Si quelqu'un voulait vraiment réussir en Israël, il n'avait qu'une seule voie à suivre, qui peut se résumer ainsi: provenir d'un kiboutz - être intégré dans une unité d'élite de l'armée - être promu au grade de général ou même de chef d'état-major - et une fois retraité, diriger une société gouvernementale de première importance avant d'entamer une carrière politique, souvent au plus haut niveau. La communauté des Juifs pratiquants était, à quelques exceptions près, totalement exclue de ce cycle. Il y a environ huit ans, conscient de cette réalité et après enquête et réflexion, le rabbin Eli Sadan est arrivé à la conclusion que l'armée israélienne allait progressivement vers son effondrement. L'idéal du mouvement des kiboutzim était sur le point de disparaître, or il constituait la force et la motivation du corps des officiers. Si la communauté des Juifs de stricte observance en Israël ne prenait pas sur elle de remplacer cet ancien idéalisme des kiboutzim par ses valeurs religieuses, Israël se retrouverait en définitive sans armée. En effet, pourquoi un jeune normalement constitué serait-il disposé à sacrifier 20 ans de sa vie au service de l'armée s'il n'est pas profondément motivé ? Avant que le rabbin Eli Sadan ne lance son action, la communauté religieuse évoluait dans une philosophie de vie confortable, s'occupant surtout d'elle-même et se développant d'une certaine manière en marge de la société israélienne. Israël n'a jamais eu de Juif religieux et pratiquant comme premier ministre, ministre de la Défense ou ministre des Affaires étrangères. Il en est de même de la direction générale des grandes banques ou d'importantes compagnies. En fait, la société religieuse du pays était pratiquement exclue du véritable pouvoir décisionnel. Parallèlement à cette constatation, le rabbin Eli Sadan a réalisé que dans les yéshivot, on élevait des générations d'étudiants à qui l'on apprenait que l'Etat juif est l'une des choses les plus importantes qui soit et que, pour le bien de cet Etat, il était primordial de vivre en tant que Juif pratiquant. Or ce genre d'éducation était de loin insuffisante pour former des hommes capables de jouer un rôle décisif ou du moins d'exercer quelque influence sur la société israélienne. Les étudiants sortants des yéshivot étaient en général de bons citoyens, préoccupés de gagner leur vie alors qu'Israël s'écroulait idéologiquement. La réflexion du rabbin Sadan n'était évidemment pas faite pour plaire à tout le monde. En effet, en publiant ses idées et en agissant pour remédier à ces réalités, il s'attaquait, sans le dire ouvertement, au mouvement des yéshivot Hesder, dont le programme offre à de jeunes gens pratiquants de faire un an et demi d'armée suivi d'une période d'études juives de trois ans et demi. Ce n'est évidemment pas en disposant d'une expérience militaire aussi réduite que les garçons qui fréquentent les yéshivot Hesder peuvent avoir une influence de taille ou simplement envisager d'entrer dans l'état-major de l'armée d'Israël !

Sur la base de ces réflexions, le rabbin Eli Sadan a décidé de créer un programme autre que celui des yéshivot Hesder, ouvert aux étudiants les plus motivés, à ceux qui souhaitent jouer un rôle important, avoir de l'influence et qui aspirent à devenir un jour chef d'état-major. Pendant un an ou deux, avant d'entrer dans l'armée, les élèves de la Yeshivah Bneï David du rabbin Sadan suivent un enseignement basé sur la philosophie juive, l'importance d'être juif et d'avoir un Etat juif, les raisons pour lesquelles une armée juive est nécessaire, la Halakha sur un champ de batailles, etc. A l'issue de la première promotion, cinq élèves ont été intégrés dans la plus dure et la plus efficace des unités de commandos de l'armée israélienne, "Sayereth Mat Kal", qui a incorporé alors vingt nouvelles recrues. Il faut bien comprendre l'ampleur de cette "révolution", car les jeunes Juifs pratiquants qui souhaitent être parmi les meilleurs éléments du pays et servir la nation là où leurs capacités sont le mieux mises à profit, peuvent à ce jour accéder au plus haut échelon sans pour autant devoir abandonner leurs convictions ou leur pratique religieuse. Aujourd'hui, plus de la moitié des étudiants de la Yeshivah Bneï David s'engagent à titre professionnel dans l'armée. De plus, près de 40% du corps des officiers est constitué de Juifs pratiquants. Pour eux, l'armée n'est plus un "mal nécessaire et inévitable", mais une mission qu'ils ont le privilège d'accomplir.


Bien que l'armée était un peu la "chasse gardée" des kiboutzim, les troupes d'élites n'étaient pas vraiment fermées aux candidats religieux. Comment expliquez-vous que ce n'est que grâce à vous que l'on retrouve aujourd'hui la présence de Juifs pratiquants dans tous les corps de l'armée et en particulier dans l'élite ?

Il faut bien comprendre que pour un Juif religieux, il n'était pas facile de vivre dans une compagnie constituée exclusivement de jeunes gens issus de milieux non - ou antireligieux. En trois ans d'armée, il s'agit d'expérimenter une relation très proche au quotidien et de partager aussi bien la tente que les dangers. La grande majorité des soldats religieux qui intégraient des unités régulières de l'armée ou des commandos abandonnaient très rapidement la pratique religieuse. C'est pourquoi les familles religieuses poussaient leurs fils à entrer dans ce que j'appellerai des unités un peu "périphériques" de l'armée, tels les tankistes des yéshivot Hesder, le rabbinat, etc. Ils étaient alors en général intégrés dans des unités où leurs convictions et pratiques religieuses étaient respectées.

A un moment donné, je me suis retrouvé face à une double exigence: celle de l'armée et de mon ami le rabbin et officier de carrière Yigal Levenstein, qui m'ont demandé d'entreprendre quelque chose pour motiver les jeunes Juifs pratiquants afin qu'ils jouent un rôle plus important au sein des forces armées; et celle de nombreux jeunes Juifs religieux qui m'ont supplié de tout entreprendre pour qu'ils puissent être intégrés dans des troupes d'élite et servir leur pays au plus haut niveau. J'ai donc décidé de créer une génération de jeunes Juifs pratiquants suffisamment enracinés dans leurs convictions, mais surtout dans leur savoir juif, pour pouvoir vivre au sein d'une compagnie de soldats non-religieux, sans pour autant se sentir affectés dans leur intimité religieuse. En fait, nous préparons nos élèves à faire face avec calme et détermination aux problèmes auxquels sont confrontées les jeunes recrues religieuses dans l'armée israélienne. Mais je veux aussi qu'ils puissent dialoguer en connaissance de cause avec leurs compagnons d'armes en ayant une culture générale très poussée et ouverte sur le monde tout en disposant de solides bases de savoir juif.


Comment ?

Rav Yigal Levenstein et moi-même avons décidé de créer une yéshivah totalement différente de celles existant en Israël. En général, dans les yéshivot, la journée est divisée en trois sessions d'études de Talmud. Chez nous, il n'y a qu'une session par jour d'études talmudiques, les deux autres étant consacrées au renforcement des connaissances judaïques générales, à l'histoire, à la connaissance approfondie d'Eretz Israël (aussi bien du terrain que des hommes qui constituent notre société), au renforcement de la foi par le savoir, la philosophie, etc., le tout essentiellement basé sur les enseignements de feu le Rav Kook (voir SHALOM Vol. XVI). De plus, une fois par semaine, nous invitons des conférenciers en provenance de toutes les sphères de la société israélienne à venir présenter et débattre d'un sujet spécifique. Nous voulons que nos élèves connaissent et comprennent la manière de penser de la société séculière.

Notre but est de combler le vide créé entre la société religieuse et non-religieuse en Israël. Pour les non-religieux, l'Etat, l'armée, l'art, les affaires, etc. ne peuvent en aucun cas être liés à la question religieuse qui, elle, doit rester confinée dans les synagogues et les yéshivot. Quant à la société pratiquante, elle estime que l'autre pan de la société israélienne est en quelque sorte "perdu" car totalement déjudaïsé. Dans le cadre de l'armée, nous avons réussi à établir une sorte de pont qui permet aux deux sociétés de se rencontrer sans crainte car pour nous, il n'y a pas de contradiction entre notre religion, la Torah et une présence active dans tous les domaines de la vie. De plus, trois fois par semaine, nos élèves suivent un entraînement sportif de qualité et nous organisons régulièrement des courses d'orientation où ils doivent se déplacer dans le pays à pied et sans carte. Nous insistons aussi sur le fait qu'ils apprennent à se prendre en mains et, à part une cuisinière professionnelle et un secrétariat, toute la maintenance de la yéshivah est sous leur responsabilité.


Pensez-vous que les jeunes gens qui quittent votre yéshivah pour s'engager dans l'armée sont suffisamment aguerris dans leurs convictions religieuses pour faire face à la pression sociale d'une compagnie de soldats non-religieux ?

L'expérience a prouvé que la réponse à votre question est positive. Nous leur apprenons comment répondre avec calme et logique. Cela dit, lorsqu'ils quittent la yéshivah, ils ne sont pas totalement livrés à eux-mêmes puisque nous disposons d'une ligne téléphonique spéciale réservée uniquement à la réception d'appels de nos anciens élèves qui ont des questions halakhiques spécifiques ou d'autres problèmes à régler.


Votre opération est visiblement un succès, mais le nombre de places semble bien limité. Sur quels critères acceptez-vous vos élèves ?

Il n'est pas facile d'être admis chez nous. Chaque dossier est soigneusement étudié, mais c'est la personnalité et le potentiel de chaque individu qui se présente qui sont déterminants. La première année, alors que notre concept était totalement nouveau, nous avons reçu 150 demandes d'inscriptions et en avons accepté 70. Actuellement, nous avons 4,5 demandes pour une place. Heureusement, plusieurs yéshivot à travers le pays ont suivi le type d'éducation et d'instruction que nous avons mis au point, chaque institution transmettant ce savoir selon ses propres caractéristiques. Aujourd'hui, plusieurs centaines d'élèves sont formés selon notre modèle. Nous avons également créé des écoles pour filles dans tout le pays.

Il faut bien comprendre que 100% des élèves qui nous quittent tentent d'être incorporés dans une unité spéciale, que ce soit dans les commandos, les parachutistes (30-40% des nouvelles unités de parachutistes sont constituées de soldats religieux), l'aviation ou la marine.


Quels sont vos projets d'avenir ?

A long terme, notre action ne se limite pas uniquement à la préparation d'éléments de qualité pour l'armée issus de milieux religieux. Je suis en contact avec la direction du mouvement national des kiboutzim qui souhaite coopérer avec nous. J'espère pouvoir établir un cadre d'enseignement destiné à un public non- religieux qui souhaite acquérir une base de connaissances des valeurs fondamentales du judaïsme. De plus, je compte fonder un centre d'études dans le cadre universitaire, à l'intention des étudiants ayant quitté l'armée. L'enseignement qui y sera dispensé sera en relation directe avec les études entreprises; par exemple, nous expliquerons à un étudiant en Sciences politiques ce que le judaïsme dit sur la manière juste de diriger un pays. Cela n'a rien à voir avec une imposition forcée de la pratique religieuse. Mais au-delà de l'armée, nous devons participer à la formation d'une société dont la conduite sera celle prônée par la Torah et les valeurs fondamentales, éthiques, morales et spirituelles du judaïsme. Notre but est de participer activement à la construction d'une société israélienne à même d'évoluer en fonction des valeurs et de la philosophie authentiquement juives.

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