News Numéro courant Sondage: résultats Recherche Archives Deutsch English Русский עברית Español


Sommaire Art et Culture Automne 1994 - Tishri 5755

Éditorial - Septembre 1994
    • Éditorial

Roch Hachanah 5755
    • Le son du silence

Politique
    • Les fanatiques sont là
    • Le règne de la discorde

Interview
    • Et maintenant...?
    • Les gardiens de l'espoir

Hommage
    • Le Rebbe de Loubavitch s.z.l.

Judée - Samarie - Gaza
    • Une présence vitale pour Israël
    • Les femmes juives de la Bande de Gaza

Art et Culture
    • L'art de Souccoth
    • Le marché de l'art en Israël
    • Mela Muter (1876-1967)

Analyse
    • L'islam et la politique au Moyen-Orient
    • Les meilleurs amis du monde...

Israel - Thailande
    • Excellente coopération
    • Madame l'Ambassadeur !

Économie
    • Progression constante

Éthique et Judaïsme
    • Mais laquelle exactement ?

Envoyer par e-mail...
L'art de Souccoth

Par Jennifer Breger
L'art cultuel de Souccoth est symbolisé par la souccah, le loulav et l'étrog. Lorsque les Rabbins se penchèrent sur la phrase "Voici mon D', je veux chanter ses louanges...", ils se demandèrent comment de simples mortels pouvaient glorifier leur Seigneur. Ils répondirent par la création du concept de "hiddur mitzvah", dont la première règle dit: "Vous préparerez une belle souccah en son honneur, un beau loulav, etc...." (Talmud Bavli, Shabbat 133b). L'étrog éveille les plus vives passions: dans leur quête du fruit parfait qui servira à la mitzvah, même des personnes qui traditionnellement n'attachent aucune importance aux détails se mettent à examiner scrupuleusement le pittam (la protubérance à l'apparence boisée qui se trouve au bout du fruit), le shoshanta (le nýud qui se situe à l'extrémité du pittam) et l'ukatz (l'élément qui rattache le fruit à la tige), en vue d'une éventuelle acquisition.
Tout au long de l'histoire, l'étrog et le loulav apparaissent comme d'importants symboles visuels du judaïsme. On les retrouve notamment sur des pièces de monnaie maccabéennes, sur des mosaïques ornant certaines synagogues et sur des frizes de pierre.
Quant aux souccoth, ce sont des abris temporaires. Il ne s'agit généralement pas de constructions artistiques, mais des exceptions existent. Aussi, certaines de ces souccoth, toujours richement décorées, comportent-elles des ornements bien plus élaborés que les simples décorations réalisées par les enfants de la famille. Malheureusement, la majeure partie de ces chefs-d'ýuvre en papier ou en parchemin n'ont pas résisté aux ravages du temps et des éléments. Ceux qui ont survécu au fil des siècles prennent donc d'autant plus de valeur.
Divers matériaux étaient employés pour la construction des murs de la souccah. En Turquie, ainsi que dans nombre d'autres régions sans doute, on se servait de tissus accrochés à un cadre de bois sur lequel on posait le "Skhakh" (le "toit"), qui constitue l'essence-même de la souccah. Il existe encore un certain nombre de souccoth pliantes en bois, qui datent du début du XIXe siècle. La plus célèbre d'entre elles vient de Fischach, du Sud de l'Allemagne, et se trouve actuellement au Musée d'Israël, à Jérusalem. Ses planches et poutrelles sont numérotées, ce qui permettait de la monter chaque année pour les Fêtes. Elle comporte des peintures richement colorées, représentant Moïse sur le Mont Sinaï, Elie, ainsi qu'une vue de Jérusalem avec le temple et le Kotel, ou encore des scènes non religieuses illustrant un vieil homme s'apprêtant à partir à la chasse, tandis que son épouse l'attend devant la maison.
Une autre souccah pliante a fait l'objet d'une vente aux enchères à Amsterdam en 1988. Une rumeur officieuse veut qu'elle aurait été acquise pour le futur Musée juif de Paris. Cette souccah vient probablement d'Autriche ou du Sud de l'Allemagne et doit dater des années 1810. Composée de 37 panneaux numérotés, elle présente des peintures aux couleurs extrêmement vives, dont notamment une illustration des Dix Commandements inscrits sur un bouclier et surmontés d'une couronne de la Torah sertie de pierres précieuses. L'exécution parfaite des caractères de l'inscription en hébreu atteste que l'auteur de l'ýuvre était juif. On découvre d'autre part une vue de Jérusalem et de ses environs, avec le Kotel flanqué des deux mosquées, ainsi que l'illustration d'un village dans un paysage de montagnes. Les peintures sont mises en valeur par des dessins de colonnes, de piliers et de vases à fleurs. Comme dans la plupart des décorations qui ornent les souccoth, on retrouve le thème dominant de la rédemption finale et du Retour à Sion. Le "Harachaman" récité dans le "Birkath hamazon" (action de grâces après le repas), indique que la souccah redeviendra un jour la maison de David, et la prière récitée avant de quitter la souccah évoque la cachette du "Leviathan" qui servira de dernière souccah lors de la venue du Messie.
On a retrouvé de nombreux ensembles de panneaux de papier ou de bois - décorés d'aquarelles représentant des scènes ou des personnages de la Bible -, utilisés pour l'ornementation des souccoth. Rares sont par contre les tableaux décoratifs individuels, qui n'ont pas résisté aux ravages des éléments. Ceux qui ont survécu faisaient probablement partie d'ensembles de décorations, tels ces panneaux de papier italiens décorés de textes et de motifs utilisés pour Souccoth, ainsi que d'extraits de psaumes importants. Par exemple, le verset de Lévitique XXIII-42 revient très souvent: "Vous demeurerez dans les tentes durant sept jours". Une décoration de papier exécutée par Israel David Luzzato autour de 1700 en Italie, actuellement exposée au Musée Juif de New York, doit sans doute sa pérennité au fait qu'elle était fixée sur un canevas. Elle contient en micrographie la totalité du Livre des Ecclésiastes, qui est lu durant Souccoth. Il existe enfin des décorations de papier remontant au XVIIIe siècle, ainsi que quelques ýuvres en parchemin découpé ou en tissu.
Les décorations de souccoth les plus célèbres sont sans doute les Ushpizin: il s'agit de portraits et de noms représentant les hôtes bibliques généralement invités à se rendre chaque soir dans la souccah. Cette tradition a surtout cours chez les Cabalistes et les Hassidim en Europe de l'Est et en Israël. Ces hôtes sont Abraham, Isaac, Jacob, Moïse, Aaron, Joseph et David.
En araméen, le terme d'Ushpizin signifie "hôtes", tout comme le mot latin "hospes". Il évoque divers aspects de la tradition juive. En effet, comme le veut le Zohar, les hôtes veillent à ce que la mitzvah de l'hospitalité ait lieu dans la souccah, puis ils bénissent le Ba'al Habayit (maître de maison), dont les mérites particuliers seront reconnus avant le jugement dernier de Hoshana Rabbah. A vrai dire, la mitzvah de l'hospitalité de Souccoth a beaucoup de points communs avec celle de Pessah (Pâque juive), où l'on récite "Kol Dichfin" ("Que chacun qui a faim vienne et mange") et où l'on ouvre également symboliquement la porte au prophète Elie.
Le nombre sept a une signification cabalistique qui dépasse la simple équivalence avec la durée de Souccoth. Sept est un nombre-clé du judaïsme et d'autres cultures du Moyen-Orient: il symbolise les sept piliers du monde, les sept pères du monde et de la Nation, les sept générations entre Abraham et Moïse et les sept qualités dans la Cabale (amour-bonté, puissance, beauté, victoire, splendeur, création et souveraineté). Enfin, il annonce le retour du Messie entouré de ses sept bergers. En fait, le rang qu'occupe Joseph parmi les Ushpizin varie: dans le Zohar, il est placé après Aaron parce qu'il représente non pas le personnage biblique lui-même, mais Mashiach Ben Yosef, qui précède traditionnellement Mashiach Ben David. Dans la plupart des Machzorim (livres de prières des Fêtes), les Ushpizin apparaissent néanmoins par ordre chronologique. L'hôte du jour reçoit une invitation au repas, dont le texte reprend précisément les termes du Machzor: "Entrez, ô hôtes exaltés, ô hôtes saints....". Cette tradition étant particulièrement populaire chez les Hasidim, on trouve de nombreux opuscules intitulés "Seder-ushpiz", dont la liturgie se rapporte clairement à différents Rabbins.
Les plaques représentant les Ushpizin sont décorées de différentes manières. Il existe de nombreuses gravures exécutées dans les années '20 et '30 à Jérusalem et en Hongrie, sur lesquelles sont inscrits les textes indiquant le rang des Ushpizin, de même que les prières à prononcer dans la souccah. En leur centre se trouve généralement le "Kotel", entouré de nombreuses illustrations de sanctuaires. Aujourd'hui, en Amérique, certaines familles dressent une liste parallèle d'Ushpizin femmes, qui comprend les "Mères", d'autres héroïnes de la Bible, ainsi que des femmes qui ont marqué l'histoire juive.
Une souccah en toile (environ 2m30 de large et 10m de long), dont l'intérieur fut peint avant la première guerre mondiale par Aryeh Steinberger, un Juif hongrois, constitue l'une des pièces maîtresses de l'art des souccoth. Ce chef-d'ýuvre fait actuellement l'objet d'un prêt à long terme au futur "Museum of Jewish Heritage: un monument vivant à la mémoire de l'Holocauste", qui devrait ouvrir ses portes fin 1996 à New York. (Non seulement ce musée sera un monument public érigé en souvenir de la Shoa, mais il retracera l'histoire de la vie des Juifs aussi bien avant qu'après la tragédie).
Aryeh Steinberger ýuvra comme sacrificateur rituel (shokhet) principal de la communauté orthodoxe de Budapest. A 65 ans, il prit sa retraite pour se consacrer à divers projets, dont la souccah qu'il commença dans les années vingt et à laquelle il ne cessa d'apporter modifications et retouches jusqu'à sa mort en 1942. Sa famille s'en servait chaque année. Elle la cacha dans les sous-sols de la synagogue de Dohany pendant la guerre, puis la ressortit après la libération, avant de l'emporter en Amérique.
Cette souccah montre des scènes de la vie dans les rues de Hongrie et d'autres pays européens, ainsi que des personnages et des scènes tirés de la Bible et de la vie de l'époque en Terre d'Israël. Le bas du tableau présente diverses scènes de Souccoth: on voit différentes souccoth, des Juifs bénissant les "quatre espèces", s'apprêtant à se laver les mains et à bénir le pain, ou se rendant à la synagogue, ou encore une représentation de chacun des Ushpizin. Sur la souccah on peut en outre lire la liturgie des Fêtes, y compris le "Birkath hamazon", de même que l'intégralité du texte du traité "Souccah" de la Mishnah, que l'on étudie généralement durant les Fêtes.
Par la richesse de ses couleurs, la variété de ses motifs et la complexité des détails, cette ýuvre, qui illustre non seulement les coutumes juives dans la région à cette époque, mais également les traditions bibliques, prend une valeur toute particulière.
D'autres objets cultuels sont aussi utilisés lors de Souccoth, tels que des plats décoratifs en étain, sur lesquels sont souvent gravées diverses scènes de la fête, inspirées parfois de gravures imprimées comme celles de Picart ou de Kirchener. On trouve également des gobelets de Kiddoush spécialement décorés pour Souccoth, ou encore de la porcelaine. Il existe par exemple un ensemble d'assiettes et de plats à fruits sur lesquels une jeune femme du nom de Katherine Cohen a peint des loulavim et des étrogim, accompagnés d'un texte en hébreu, qu'elle a offert en 1910 à l'une des plus anciennes communautés aux Etats-Unis, la Communauté Mikveh Israel, à Philadelphie.
Cependant, l'objet cultuel le plus important de Souccoth reste la boîte qui doit contenir l'étrog. En effet, ce récipient ne sert pas uniquement à des fins esthétiques, il a aussi une utilisation tout à fait pratique: l'étrog devant être porté à la synagogue chaque jour, il convient de le protéger de tout dommage qui pourrait ternir sa beauté. Il n'existe toutefois aucune obligation halachique ni réglementation quant à la forme ou l'aspect de la boîte.
Les récipients à étrog les plus anciens que l'on ait retrouvés sont en argent et proviennent de villes allemandes du XVIIe siècle. Un exemplaire originaire d'Augsburg, daté de 1670, est exposé au Musée Juif de New York. Comme beaucoup d'autres pièces conçues en argent ou dans d'autres matériaux durant les siècles qui suivirent, il a la forme d'un étrog avec sa tige. Ces récipients sont souvent dotés d'un couvercle à charnière ou d'un couvercle amovible, et nombreux sont ceux qui ont une doublure de tissu pour protéger le fruit. On trouve même une pièce en albâtre peint en jaune vif, dont la forme reprend celle du fruit, originaire de l'Italie du XIXe siècle.
Un grand nombre d'autres coffrets datant souvent du XVIIIe siècle sont de forme ovale ou rectangulaire. Il s'agit de conteneurs à sucre, convertis en récipients à étrog pour l'occasion. La plupart comportent des inscriptions en hébreu, mais les faussaires étant nombreux dans ce domaine, il apparaît souvent que ces inscriptions sont en réalité très récentes. Ce qui n'empêche pas pour autant que l'on trouve des originaux en Allemagne, en Pologne et en Autriche. Parfois on utilise également une chope à couvercle, ou encore un tronc des pauvres. Dans certains cas, des paniers en argent avec des poignées servent de conteneur. Au Maroc et dans d'autres communautés juives nord-africaines, on employait des boîtes à thé en étain façonné au marteau. Enfin, au XIXe siècle, on avait recours dans de nombreuses régions à des coques de noix de coco incrustées d'argent.
Etant donné qu'il faut emporter l'étrog à la synagogue tous les jours à l'exception du shabbat, il est recommandé de se servir d'une poche ou d'un petit sac avec des poignées pour faciliter le transport en toute sécurité. Le Jewish Historical Museum d'Amsterdam présente un tel sac fait de fil d'argent et de chenille, décoré des armoiries de la famille Pinto.
Au XIXe siècle, des artisans juifs vivant en Terre Sainte ont sculpté des boîtes à étrog dans du bois ou, dans certains cas, dans de la pierre. Elles sont souvent ornées de représentations de Jérusalem ou d'autres lieux saints. Aujourd'hui, l'école Bezalel perpétue la tradition en continuant de produire des boîtes en bois d'olivier sur lesquelles sont gravées les représentations de divers sanctuaires.
Un grand nombre d'artistes et artisans juifs contemporains fabriquent toute une gamme de boîtes à étrog en argent ou en bois incrusté d'argent, allant d'objets tout simples aux lignes pures à des ýuvres extrêmement raffinées. Aussi trouve-t-on par exemple une boîte de l'orfèvre Ilya Shor, dont le couvercle est décoré avec les douze signes du zodiaque, les noms des sept Ushpizin et les membres d'une famille regroupée dans la souccah.
Il est également possible de confectionner une poche toute simple en se servant de feuilles de loulav tressées ou nouées. Aussi, le loulav, les aravoth et les hadassim de l'année en cours peuvent-ils être déposés dans une pochette confectionnée avec les feuilles du loulav de l'année précédente. L'utilisation de ce matériau très simple, permet en quelque sorte de prolonger la mitzvah de l'année précédente. Certains se demanderont s'il n'existe pas des conteneurs à loulav plus élaborés. Il est vrai que par le passé on a parfois utilisé des récipients en argent, mais outre le fait qu'ils étaient très volumineux et peu pratiques à porter, il était difficile d'y maintenir l'humidité suffisante permettant au loulav de ne pas sécher.


Contacts
Redaction: edition@shalom-magazine.com   |  Advertising: advert@shalom-magazine.com
Webmaster: webmaster@shalom-magazine.com

© S.A. 2004