Protection et dissuasion

Major Général Yaïr Golan. Photo Bethsabée Süssmann.
Par Roland S. Süssmann
Israël se trouve dans une phase de politique interne très volatile, les incertitudes sont nombreuses et, comme souvent, l’avenir semble bouché. Parallèlement, l’une des grandes inquiétudes du moment est de savoir si l’Iran possède la bombe atomique ou non et dans quelle mesure ce pays sera à même de l’utiliser contre Israël. Contrairement à ce que l’on peut penser, ce péril ne constitue pas l’unique et principale préoccupation de l’armée israélienne qui, sur le terrain, est confrontée à bien d’autres menaces, l’une des plus importantes étant le réarmement massif et récent du Hezbollah installé à la frontière nord du pays. Afin de nous permettre de connaître l’ampleur de ces dangers et surtout la façon dont Israël prépare sa population à y faire face, nous avons rencontré le Major Général YAÏR GOLAN, commandant du front intérieur ce qui, en fait, est une forme de protection civile très évoluée.

Il y a un peu plus de deux ans, pendant la Seconde guerre du Liban, près de 30% de la population d’Israël ont été confinés pendant près d’un mois dans des abris, vivant pratiquement jour et nuit sous terre. Quelles leçons avez-vous tiré de cette expérience, somme toute assez traumatisante ?

Nous nous trouvons actuellement dans une situation tout à fait nouvelle, car nous sommes confrontés à plusieurs types de menaces sans précédent. Mais avant d’entrer dans les détails, je voudrais me livrer à un bref historique de la protection de la population pendant les différentes guerres qui ont jalonné l’histoire de notre pays, y compris bien entendu les enseignements de la guerre du Liban de 2006.
Lors des différents conflits, le front arrière, c'est-à-dire la population civile, n’était pour ainsi dire pas menacée. Il est vrai qu’au cours de chacune des guerres, y compris la Première guerre du Liban, les combats étaient confinés à un endroit très éloigné de la vie civile si bien que, pendant ce temps, la population n’était pour ainsi dire, à quelques incidents isolés près, pas exposée aux violences. Ceci a changé pour la première fois pendant la Première guerre du Golfe en 1991. Je rappellerai qu’alors les Scuds irakiens étaient lancés contre Israël et lorsqu’ils touchaient un objectif civil, ce qui dans la majorité des cas se traduisait par la destruction d’un immeuble, l’armée se rendait sur place, faisait ce qu’il fallait et repartait. Ces événements étaient considérés comme étant de nature purement militaire, même si le risque d’une agression chimique était réel. Ces attaques ne nous ont alors pas mis la puce à l’oreille et nous n’avons rien fait pour mettre en place une protection civile bien organisée et efficace. En juillet 2006, nous sommes entrés dans la Seconde guerre du Liban dans ce même esprit: l’armée ne devait intervenir que lorsque cela s’avérait véritablement nécessaire. Après la guerre, le rapport du contrôleur de l’État est paru et à juste titre, il était extrêmement critique sur la manière dont la population civile avait été traitée pendant cette guerre. Sa conclusion requérait un changement radical d’attitude; désormais, l’armée ne devrait pas uniquement intervenir lorsque cela s’imposerait logiquement et l’une de ses tâches principales serait de préparer la population à chaque éventualité afin qu’elle sache exactement comment réagir en cas d’agression. Nous avons donc dû nous atteler à cette nouvelle tâche, soit sensibiliser, expliquer et former les municipalités, les organisations de volontaires, les collèges, les entreprises, etc. Notre fonction principale est de préparer la population à faire face en toute connaissance de cause en cas d’urgence. Ceci n’est pas simple, car la société civile n’est pas une unité militaire, mais un ensemble somme toute assez chaotique. L’une de nos démarches essentielles est d’organiser cette société de manière à ce qu’elle ne soit pas prise au dépourvu et que chacun sache exactement ce qu’il doit faire. Etant donné l’ampleur de la tâche, nous ne pouvons évidemment pas réaliser cette mise en place seuls et nous n’avons pas la moindre intention de donner des ordres à la population. Depuis le début de l’année 2008, nous avons organisé 1’300 cours d’orientation et jusqu’à la fin de l’année, nous en aurons tenu 2’000. Nous nous sommes rendus dans des entreprises, des usines, des écoles, des communautés, des administrations gouvernementales, etc., et avons posé une seule question aux responsables: «est-ce que le risque de vous retrouver dans une situation d’urgence constitue l’une de vos préoccupations?». Tous ont répondu par l’affirmative. Nous leur avons alors expliqué que nous organisons un cours gratuit dans l’une de nos bases ou, au choix, au sein même des entreprises ou encore dans n’importe quel lieu qui leur conviendra. Nous donnons ainsi une formation rudimentaire à plusieurs milliers de personnes qui, elles, sauront quelle est la conduite à tenir en cas d’urgence. Ce sont elles qui nous représentent, qui se rendent dans leurs quartiers ou dans leurs municipalités et qui commencent à préparer les hommes, le matériel et les locaux afin d’être à même de faire face à tous les scénarios catastrophes. De ce fait, nous ne nous retrouverons plus dans des situations comme celle qu’a connue la municipalité de Safed pendant la Seconde guerre du Liban, où, paniquée, elle s’est pour ainsi dire dissoute. De plus, les municipalités, les mairies et les conseils régionaux sont en quelque sorte nos «troupes d’action» et en 2007, nous avons décidé de leur donner une formation. Celle-ci se passe en deux temps: une journée de cours et, quinze jours plus tard, pour leur donner le temps d’assimiler ces enseignements, une journée d’exercice sur le terrain.

Vous nous avez parlé de la formation des volontaires. Comment se déroule-t-elle ?

Il faut savoir qu’en Israël, le nombre d’organisations de volontaires est nettement supérieur à beaucoup d’autres pays. Toutefois, aucune de ces sociétés n’a une tâche définie si jamais le pays ou une région se trouve en situation d’urgence. Or nous pensons qu’il y a là une force et une énergie potentielle totalement inutilisées qui, le cas échéant, pourront se montrer utiles et efficaces. Je ne peux pas vous citer toutes celles avec lesquelles nous travaillons et je me contenterai de vous parler par exemple de Zaka, qui compte 1’300 volontaires et qui a fait ses preuves pendant les attaques terroristes des bombes humaines et dans d’autres circonstances dramatiques. Nous leur avons dit que ce qu’ils font pour sauver des vies et s’occuper des morts est formidable, mais que nous voudrions qu’ils organisent aussi une section pour agir en situation d’urgence. A ce jour, nous leur avons déjà donné deux cours afin de former ce que j’appellerai «des commandants d’unités d’urgences» capables d’enseigner et de diriger leurs hommes dans le but d’aider la population en cas de nécessité. Chacun de ces commandants établira un groupe de 50 personnes, chacune ayant une tâche bien définie. Nous avons préparé des vestes spéciales pour tous ces volontaires afin qu’ils soient reconnus et que les gens puissent s’adresser à eux afin d’être assistés ou guidés. Ils pourront par exemple distribuer des médicaments, aider une personne dont la maison a été détruite par un missile à se rendre dans une nouvelle habitation provisoire, etc. Ainsi, nous travaillons avec toutes les grandes organisations de volontaires qui sont représentées dans tout le pays. Nous sommes entrés en contact avec Ezer Mitsion, une organisation de soutien médical et social pour des personnes âgées, démunies ou handicapées et qui apporte son aide spécialement à des enfants atteints de cancer ou qui ont des besoins particuliers. Elle est également spécialisée dans la fourniture de moelle épinière, dispose de 25 antennes à travers tout le pays et peut compter sur 10'000 volontaires. Dans le cadre de ses activités, Ezer Mitsion a aussi accepté d’organiser une section pour venir en aide à la population en cas d’urgence. Une autre organisation fabuleuse est la surveillance civile. Il s’agit d’un organisme de volontaires qui travaille main dans la main avec la police pour faire des patrouilles de quartier. Elle compte 12'000 volontaires, des petites bases disséminées pratiquement partout et chacune d’elle a déjà un responsable qui dirige les activités actuelles. Je vous ai parlé des collèges. Là, nous disposons d’une force fabuleuse de jeunes gens âgés en moyenne de 17 ans, qui sont forts, rapides et très heureux de pouvoir se rendre utiles intelligemment. Nous avons également été voir la Yéshivah de Ponevish à Bné Beraq, qui compte 3’000 élèves de 17 à 23 ans. Ils ont accepté de coopérer avec nous et en cas d’urgence, ils sauront comment aider la population orthodoxe. Nous sommes en contact avec d’autres yéshivoth, car si leurs étudiants ne s’engagent pas à l’armée, rien ne les empêche de participer à une forme de service civil. Pour clore ce chapitre, je vous dirai que l’une des leçons majeures de la Seconde guerre du Liban est l’importance d’éduquer et d’impliquer la population dans les activités du front intérieur.

Dans le cadre des cours que vous avez mentionnés, quels sont les enseignements que vous dispensez ?

Nous enseignons tout d’abord comment réagir lors d’une attaque avec des missiles conventionnels. Les roquettes dont disposent aujourd’hui les Syriens et le Hezbollah ne se limitent plus aux simples Katiouchas que nous avons connus, loin de là, ils possèdent des missiles munis de têtes explosives de 450 kilos. Il ne s’agit donc pas d’une chose facile, car une maison touchée par une telle charge n’est évidemment pas protégée par un simple abri d’appartement. Aujourd’hui, nous sommes donc dans un autre monde. Il faut bien comprendre que quelqu’un qui est tué ne pose plus de grandes difficultés, celui qui est blessé part à l’hôpital, mais la grande question qui reste à régler est celle de ceux sont vaillants sur leurs deux pieds. C’est là notre plus grand problème. En effet, sans avoir bénéficié d’aucune formation, chacun sait qu’en cas d’alerte, il faut descendre dans les abris. Mais si la maison qui se trouve au-dessus des abris est détruite, nous nous retrouvons alors avec un grand nombre de gens qui n’ont plus de toit sur la tête. Qu’en faisons-nous ? Comment les traiter ? Où les conduire ? Que leur offrir ? Quelle est la priorité de l’assistance à donner ? Est-elle d’ordre physique (lits, nourriture, etc.) ou psychologique ? C’est la réponse à toutes ces questions que nous enseignons dans le cadre des cours que nous donnons. Je vous citerai une autre série de sujets que nous abordons dans le cadre de notre formation. Comment une municipalité ouvre-t-elle un centre d’accueil pour les gens qui se retrouvent sans domicile ? Où l’ouvre-t-elle et comment doit-t-elle l’organiser et le diriger ? Il faut bien se rendre compte que d’un instant à l’autre, une mairie peut se trouver confrontée à 2’000 personnes ayant perdu leur foyer ! Tous des hommes et des femmes en bonne santé et en pleine forme, qui le lendemain de l’attaque pourront éventuellement retourner à leur travail, mais où vont-ils poser leur tête pour dormir ? Que vont-ils manger et où vont-ils pouvoir se nourrir, se laver, etc. ? Ce sont les réponses à ce type de questions et à beaucoup d’autres du même genre que nous apportons tant sur le plan théorique que pratique. Des municipalités comme Jérusalem, Tel-Aviv ou Haïfa n’ont pas de grandes difficultés à s’organiser. Tout d’abord, elles ont déjà un peu d’expérience en raison de la vague d’attentats suicides qu’elles ont connues, mais aussi du fait qu’elles disposent des budgets nécessaires pour agir. Mais qu’en est-il d’une ville comme Safed qui n’a pas de budget, qui ne sait pas comment agir ? Nous devons former tout le monde, mais certaines villes ont plus besoin d’aide que d’autres. Or la menace de l’armement dit conventionnel est de plus en plus dangereuse et les risques encourus par les populations sont de plus en plus grands.

Comment protégez-vous la population contre une attaque chimique ou biologique ?

De nombreuses personnes pensent qu’une telle agression n’est pas raisonnablement envisageable. Je n’en suis pas persuadé et j’estime qu’il vaut mieux que nous soyons prêts, même si une telle offensive ne se produit jamais. En ce qui me concerne, il ne s’agit pas d’être prêts pour demain matin, mais pour dans cinq ou même vingt ans. Je sais que le jour où une telle attaque se produira, il sera trop tard pour commencer à réfléchir pour savoir comment nous allons protéger, soigner et réorganiser la population. En fait, il est assez simple de former des gens et d’organiser les secours de tous genres lorsque des armes conventionnelles pleuvent sur une ville ou une région. La protection civile lors d’une agression avec des armes chimiques et biologiques est une toute autre affaire et il faut des années pour organiser une assistance efficace qui puisse se dérouler dans de telles conditions. Il ne faut pas se faire d’illusions, la menace est réelle et l’éventualité d’une agression chimique ou biologique est bien plus forte que celle d’une attaque atomique iranienne, qui d’ailleurs n’est pas non plus exclue. Pendant la Première Guerre mondiale, les Allemands ont utilisé des gaz. Ils n’en ont plus fait usage sur le champ de bataille pendant la Deuxième Guerre mondiale, car ils ont vu qu’une fois que leurs ennemis avaient des protections, en particulier des masques, ces gaz de combat toxiques avaient perdu toute efficacité. Malheureusement, nous ne savons que trop bien, et nous n’avons pas le droit de l’oublier, qu’ils l’ont employé à d’autres fins… Je prends l’exemple de l’utilisation du gaz pour illustrer mes propos sur la nécessité de savoir comment se protéger. Si les citoyens savent comment se conduire pendant une telle attaque, quels combinaisons ou masques mettre, quand il faut sortir de la maison et quand il faut rester confiné, comment reconnaître de l’eau ou de la nourriture contaminée, etc., cette forme d’agression perdra de son efficacité et sera même éventuellement abandonnée. En ce qui concerne les attaques biologiques, celles-ci n’ont pas pour but de tuer immédiatement, mais de déclencher des maladies, de la souffrance et finalement la mort. C’est un moyen d’affaiblir une population, voire un État. A ce sujet, notre message est très clair: nous devons nous préparer à toute éventualité car sinon, le jour venu, nous serons totalement désorientés et perdus face à l’ampleur des problèmes. N’oublions pas qu’une attaque conventionnelle ou non est une source de panique et de désorganisation, et que si nous avons une population formée, toute l’assistance requise pourra être donnée dans le calme et de manière efficace.

Dans le cadre de votre action, formez-vous des médecins spécialisés dans le traitement des effets des attaques chimiques ou biologiques ?

Non seulement nous les formons, mais nous leur donnons, ainsi qu’au personnel soignant spécialisé, un entraînement extrêmement intensif. Il faut savoir que les hôpitaux israéliens sont les mieux équipés et préparés au monde pour faire face à ces types d’agressions. Un simple exemple vous donnera le niveau de préparation qui existe dans nos centres médicaux. A l’entrée de chaque hôpital, il y a une zone de décontamination par laquelle les victimes touchées par une attaque chimique ou biologique doivent obligatoirement passer avant d’être admises pour être soignées. D’ailleurs, notre exemple a été suivi dans de nombreux hôpitaux à travers le monde.

Pensez-vous que les organisations terroristes arabes comme le Hamas, le Hezbollah et l’OLP (Autorité palestinienne), disposent aujourd’hui d’armes chimiques ou biologiques qu’elles peuvent utiliser contre la population israélienne ?

Il ne fait aucun doute que ces organisations souhaitent acquérir et utiliser des armes non-conventionnelles. Toutefois, leur maniement demande un niveau de connaissances et de capacités techniques dont elles ne disposent pas pour l’instant. Si vous vous souvenez, il y a eu au Japon une organisation terroriste qui a lancé une attaque chimique dans le métro dans les années 90, mais c’était une opération ponctuelle qui d’ailleurs ne s’est pas reproduite. Je ne pense donc pas que dans un proche avenir, nous serons confrontés à la menace du terrorisme non-conventionnel en Israël. Toutefois, je voudrais souligner encore une fois l’importance de la menace conventionnelle au sujet de laquelle il faut savoir que des nouveaux types de missiles et de roquettes sont installés à nos frontières en très grandes quantités et munis de charges explosives bien plus importantes que celles auxquelles nous avons été confrontés pendant la Seconde guerre du Liban. Cela étant dit, la menace d’une attaque non-conventionnelle provient de la Syrie et de l’Iran qui tous deux ont des quantités très importantes d’armes chimiques et biologiques. De plus, le Hezbollah dispose de missiles d’une portée de 250km, ce qui signifie qu’il peut les lancer d’un point situé profondément à l’intérieur du territoire libanais et atteindre Haïfa ou Tel-Aviv. Toutefois, ce qui est beaucoup plus inquiétant, c’est la portée des missiles dont est dotée la Syrie, qui est de 70 à 700km. En d’autres termes, un tel missile muni d’une charge explosive importante ou d’une tête non-conventionnelle peut être mis à feu à la frontière irakienne ou turque et frapper au cœur d’Israël.

Dans le cadre de la formation que vous donnez, enseignez-vous aussi comment réagir au cas où, un jour, Israël serait victime d’une attaque terroriste, par exemple suicide mais non-conventionnelle ?

Ce que nous enseignons pour les cas de guerre s’applique aussi pour le terrorisme. Toutefois, il est bien plus facile d’organiser une protection civile lorsque nous sommes confrontés à une vague de terrorisme qu’en cas de guerre. L’ampleur des dégâts et de la population touchée est nettement inférieure. C’est d’ailleurs pourquoi les conséquences immédiates des actes de terrorisme sont entre les mains de la police, bien que nous coopérions directement et quotidiennement avec elle dans ce domaine.

Pendant les différentes guerres et c’était encore le cas pendant la Seconde guerre du Liban, des touristes qui se sont trouvés en Israël au début des hostilités ont offert leur aide en se portant volontaires pour différentes tâches. Dans la majorité des cas, ils ont été gentiment éconduits. Pourquoi ? Existe-t-il en Israël un refus catégorique d’accepter l’aide pratique (non pécuniaire) des Juifs vivant à l’étranger ?

Absolument pas. Pour ma part, je ne fais aucune distinction entre un volontaire israélien et un volontaire étranger, dans la mesure où son aide est utile et efficace. Mais je dois vous dire que vous touchez là un point très important. De nombreuses personnes sont pleines de bonne volonté et veulent nous aider, c’est à nous de savoir comment utiliser au mieux cet avantage. Je dirai même que nous recevons ainsi un capital de motivation positive que nous devons savoir gérer. Dans le cadre du commandement du front intérieur, nous avons créé un département dont la tâche est, en cas d’urgence, de savoir comment gérer ces offres et diriger les volontaires aux endroits où ils seront le plus utiles et efficaces en fonction de leur savoir-faire, de leurs capacités, de leurs connaissances et de leur formation. Par exemple, un hôpital de Jérusalem ou de Tel-Aviv n’aura pas besoin d’aide étrangère, alors qu’à Nahariya, Safed ou Beer-Shéva, cet appui supplémentaire serait vraiment le bienvenu. Ceci peut s’avérer particulièrement important en cas d’une guerre de grande envergure. Je pense notamment à des médecins étrangers qui pourraient prendre la place des médecins israéliens partis au front. Mais ceci est aussi valable dans d’autres domaines.

Après tout ce que vous nous avez expliqué et la grande opération de préparation de la population que vous avez lancée, pensez-vous qu’en cas d’une nouvelle agression arabe, les gens des zones attaquées devront à nouveau passer pratiquement 24 heures par jour pendant de nombreuses semaines confinés dans leurs abris ?

Nous sommes obligés d’adopter une approche totalement différente. Le fait d’enfermer des gens dans des abris pendant de longues heures, des jours et des semaines les rend passifs et déprimés, ce qui est désastreux. Nous encourageons les gens à sortir, à prendre leur vie en main, à se sentir responsables pour la vie de leurs voisins et c’est à nous de les rendre actifs. D’ailleurs, pendant la Deuxième Guerre mondiale, alors que Londres était sous les bombes, la vie continuait de manière aussi normale que possible, ce qui renforçait l’esprit de résistance. C’est là un point essentiel dans la gestion du comportement des civils en situation d’exception. A Sdérot, nous n’avons jamais fermé les abris, bien au contraire. Nous avons toujours dit aux gens de sortir cinq minutes après la fin de l’alerte et de reprendre le cours de la vie normale.
Je vous dirai également que c’est là l’une des grandes leçons de la Seconde guerre du Liban. Tout le monde parlait de Kiriath Shemona qui était soi-disant en permanence sous le feu des roquettes du Hezbollah. Pendant les dix premiers jours de la guerre, en moyenne deux à cinq roquettes tombaient par jour et il n’y avait aucun tir pendant la nuit. Était-il vraiment nécessaire de cloîtrer tous ces gens dix jours d’affilée sous terre et pendant la nuit? Certainement pas. De plus, les personnes ainsi enfermées ne peuvent pas aider les personnes âgées ou les handicapés. Il faut que les gens retournent chez eux, dans leurs cuisines et préparent leur nourriture. Il est faux de leur apporter des repas chauds. Le fait d’enfermer des gens dans des abris casse des liens essentiels de la société. Notre rôle n’est pas d’enfermer les gens, mais de les avertir lorsqu’il y a des tirs de roquettes, de faire retentir les alarmes et de leur dire de se rendre dans les abris. Mais entre deux tirs, ils doivent continuer à vivre aussi normalement que possible. En fait, il s’agit d’établir une routine dans l’urgence. Tel est en résumé l’essentiel du défi auquel nous sommes confrontés.

Nous le voyons, tous ces efforts et ces préparatifs sont faits dans l’espoir de ne jamais être utilisés. Mais en cas d’une nouvelle agression arabe, la population d’Israël, qui de tout temps a fait preuve de courage et de détermination, saura comment continuer à vivre de manière aussi normale que possible quelles que soient la nature et la puissance de l’attaque. Le Major Général Yaïr Golan et ses hommes mettent tout en œuvre pour qu’il en soit ainsi.