Prévention - Intervention Action

Brigadier-Général Yaïr Golan. Photo: Bethsabée Süssmann
Par Roland S. Süssmann
Dans l'une de ses plus fameuses chansons, Gilbert Bécaud chantait: «Et maintenant, que vais-je faire ?». Cette phrase peut être facilement paraphrasée en ce qui concerne la situation sécuritaire en Judée et en Samarie et l'on peut se poser la question suivante: «Et maintenant, que va-t-il se passer ?». «Maintenant» étant la réalité du Hamas au pouvoir, la réalité du retrait civil et militaire d'Israël de Gaza, la réalité d'un flux massif et ininterrompu d'armes qui affluent dans ces territoires et finalement, la réalité d'une activité terroriste permanente en Cisjordanie et à Gaza qui met quotidiennement la population civile d'Israël en danger. Heureusement, l'armée fait un travail de prévention remarquable. Afin de nous expliquer les différents aspects de la situation sur place, nous nous sommes rendus à Béthel, au siège du commandement central de Tsahal pour la Judée et la Samarie, où nous avons été reçus par le Brigadier Général YAÏR GOLAN, commandant des forces israéliennes de ces régions.

Pouvez-vous en quelques mots nous brosser un tableau de la situation sécuritaire des zones dont vous assurez l'autorité militaire ?

Pour comprendre la situation actuelle, il faut se souvenir de ce qui s'est passé en Israël en 2002, l'année où le terrorisme arabe a causé le plus de ravages puisqu'en Israël, 234 Juifs ont été tués par des bombes humaines, sans parler du nombre de blessés. En 2006, nous avons eu 11 tués et à première vue, nous sommes donc face à une réduction très importante du terrorisme arabe. Or ceci ne révèle qu'une partie de l'image telle qu'elle se présente. En vérité, le nombre d'incidents, de tirs à l'arme légère, de tentatives d'agressions à l'explosif et d'Arabes palestiniens tués est en nette augmentation. La combinaison de ces deux réalités - soit le fait que nous ayons réussi à empêcher un grand nombre d'actes de terrorisme et l'accroissement des tentatives -, démontre que la menace est en augmentation constante. Ceci est dû au fait qu'aucune solution politique ne pointe à l'horizon et que l'issue de la Seconde guerre du Liban a encouragé les éléments radicaux. Les organisations terroristes ont essayé de lancer le plus d'opérations possible. Nous avons combattu ces tentatives jour après jour, nuit après nuit avec beaucoup de persévérance et un peu de chance. Ainsi, par exemple, une bombe humaine a été arrêtée par hasard à Jérusalem et ce sans que nous ayons la moindre information préalable à son sujet. Voici ce qui résume en quelques mots la guerre continue contre le terrorisme que nous avons menée en 2006.

Comment évaluez-vous l'évolution de la population locale ?

Celle-ci a été particulièrement affectée du fait que l'Autorité palestinienne est devenue une autorité du Hamas. A la demande d'Israël, l'aide financière internationale a été stoppée et par conséquent, toute la situation économique des régions autonomes a été sévèrement réduite. En bref, il ne fait aucun doute que la situation de cette population s'est détériorée. Il faut savoir que l'Autorité palestinienne n'a pas payé les salaires de manière constante et régulière depuis le mois de janvier 2006.

Vous nous parlez de l'Autorité palestinienne. Quelle est véritablement sa position aujourd'hui ?

Il s'agit d'une organisation totalement inefficace qui, si elle n'est plus directement impliquée dans des activités terroristes, n'a aucune intention ni aucun moyen de les contrôler et encore moins de les prévenir. Elle ne constitue en aucun cas l'autorité suprême dans les territoires qui sont sous sa responsabilité. De plus, elle n'a absolument pas le monopole du pouvoir, en fait elle en est même assez éloignée. Je pense qu'avec le temps, l'Autorité palestinienne deviendra l'une des forces en présence dans la région, mais certainement pas la plus importante ni celle qui dirigera la population arabe palestinienne. D'ailleurs, au cours des six dernières années, son rôle a progressivement diminué, ce qui n'est pas une bonne nouvelle.

Qui contrôle l'argent et qui contrôle les armes ?

Là, il y a une très grande différence entre la bande de Gaza et la Judée-Samarie. A Gaza, nous pouvons dire que depuis son élection, le Hamas a le pouvoir et est l'autorité suprême. Ici, en Judée-Samarie, bien que l'Autorité palestinienne soit officiellement contrôlée par le Hamas, l'image est différente. Nous avons à faire aux mêmes personnes issues du Fatah, il n'y a pas eu de changement de personnel et j'estime que c'est toujours le Fatah qui détient le pouvoir. En réalité, nous ne coopérons pour ainsi dire pas avec cet organisme, mais il y a des petits problèmes quotidiens que nous devons résoudre ensemble, comme les questions médicales, humanitaires, l'eau, l'électricité, etc. De plus, bien que leur contribution au maintien de la sécurité soit très bas, de temps en temps, lorsque par exemple un citoyen israélien entre dans leur territoire par erreur, ils s'activent pour nous le ramener sain et sauf. La coopération est donc maintenue sur une toute petite flamme, ce qui est certainement bénéfique pour les deux parties, mais qui ne permet en aucun cas de servir de base pour établir une nouvelle forme de relation solide et qui pourrait faire croire à un avenir commun meilleur.

Quelles sont vos relations avec la population juive de Judée et de Samarie ?

L'année 2006 a très mal commencé puisque nous avons vécu l'évacuation dramatique d'Amona (n.d.l.r. en réalité une brutalité physique et verbale d'intimidation non justifiée a été appliquée systématiquement et avec détermination) et de la maison Shapira à Hébron. Avec le temps, les esprits se sont calmés et il y a eu la Seconde guerre du Liban qui a rétabli une certaine harmonie. Aussi bien en Judée-Samarie que dans le reste du pays, nous sommes dans une sorte d'attente pour voir quelle sera l'évolution ici. Pour l'instant, aucune politique ni aucune stratégie à moyen ou à long terme n'ont été définies par le gouvernement israélien en place.

Estimez-vous que la barrière de séparation constitue un élément qui contribue effectivement à la lutte contre le terrorisme ?

La clôture est une excellente infrastructure pour le contrôle de tous les types d'activités. Dans le temps, le terrain était totalement ouvert et l'ensemble des mouvements et des déplacements était libre et très difficile à vérifier. Par conséquent, la surveillance des activités terroristes était rendue très compliquée. Actuellement, en raison de la fermeture de la région, les terroristes sont contraints de passer par certains chemins pour se rendre d'un point à un autre, notre tâche est donc facilitée et plus efficace.

Quels sont les risques que les terroristes lancent des roquettes Kassam au départ des agglomérations arabes de Judée et de Samarie ?

La probabilité est infime, car nous avons une totale liberté d'activité et d'intervention dans les villes et villages palestiniens et nous ne laissons pas se développer ce genre d'activités. Récemment, il y a eu une tentative de lancement de Kassam au départ de Tulkarem. Nous sommes intervenus et avons détruit tout les préparatifs. Je pense que tant que nous pourrons agir comme nous le faisons aujourd'hui, le risque de voir des Kassam ou des roquettes de tous genres déferler sur l'une ou l'autre des villes juives est pour ainsi dire inexistant.

Quelle est l'influence du Hezbollah et de l'Iran dans les agglomérations arabes ?

Elle est absolument primordiale. Il y a des douzaines et des douzaines de cellules terroristes financées par le Hezbollah, c'est-à-dire par l'Iran. Le Hezbollah est profondément impliqué dans les activités terroristes en Israël. Il s'agit là d'un développement très dangereux mais à mon avis, le problème principal ne réside pas dans les activités du Hezbollah à proprement parler, mais dans le fait que celui-ci donne des armes, de l'argent et du know-how aux hommes du Hamas. Cela étant dit, il faut faire la différence entre la situation en Judée-Samarie et celle de Gaza. En effet, si le Hezbollah ne dispose que d'une certaine influence ici, à Gaza il a la main totalement libre et joue un rôle de tout premier plan puisque son aide au Hamas n'est absolument pas limitée. A ce sujet, il est intéressant de savoir qu'il n'y a pas de cellules terroristes dirigées par Al-Quaïda. Cette organisation a tenté à deux reprises de s'installer dans la région, mais nous l'en avons empêchée.

Comment voyez-vous l'évolution de la situation pour l'année à venir ?

Mon travail consiste à nous préparer pour le pire. Je pense que nous n'aurons pas d'autre choix que de lancer une opération terrestre d'envergure à Gaza qui impliquera que l'armée y reste jusqu'à ce qu'elle ait détruit toutes les infrastructures du terrorisme arabe. Il n'y a pas d'autre moyen de mettre un terme aux attaques aux Kassam et aux roquettes. Je crains qu'Israël n'entreprenne une telle opération avant qu'une attaque sérieuse faisant beaucoup de victimes n'ait lieu, comme l'explosion d'une roquette dans une école à Ashkelon. Si Israël lance une telle opération, il ne fait aucun doute que cela affectera directement la situation en Judée et en Samarie, entraînant inévitablement des émeutes ou une augmentation des attaques terroristes. Il n'est d'ailleurs pas exclu que cela ravive une activité terroriste au nord du pays par le biais du Hezbollah et même éventuellement de la Syrie. Je prévois donc une possible détérioration de la situation, mais nous disposons de tous les moyens nécessaires et sommes suffisamment bien implantés partout dans la région pour faire face efficacement à un tel développement et pour y mettre un terme. Il ne faut pas oublier que nous sommes dans une situation très complexe.

Pensez-vous que nous soyons à l'aube d'une troisième Intifada ?

Je crois qu'il serait tout d'abord utile de définir ce terme. S'agit-il simplement d'actes de violence tels que nous les avons connus au cours de la première Intifada qui se résumaient somme toute à des jets de pierres et des cocktails Molotov ? Ou bien parlons-nous de la deuxième Intifada où les bombes humaines explosaient dans les rues d'Israël ? Si nous parlons de la première situation, l'expérience a démontré qu'elle peut durer quelques mois, mais pas des années. D'ailleurs, au cours de la première Intifada, après trois mois le niveau et l'intensité de la violence ont diminué de manière significative, tout en étant maintenues de façon sporadique. Quant à la seconde Intifada, il s'agit de tout autre chose puisque nous étions face au terrorisme sous sa forme la plus terrible et là, j'estime que, comme je vous l'ai dit, tant que nous serons présents dans les agglomérations des Arabes palestiniens et que nous garderons notre totale liberté d'action et d'intervention, nous ne serons pas confrontés à un nouveau type de risque. A ce jour, il n'y a rien dans la région qui nous permette de penser que nous sommes menacés sur le plan sécuritaire. Dans ce même esprit, je ne pense pas que les tirs à l'arme légère sur des voitures civiles devraient reprendre de manière importante. Donc pour l'instant, je ne crois pas que nous assisterons à un changement radical en provenance du terrain même qui pourrait constituer une nouveauté pour nous ou nous surprendre et ce même si le cycle de la violence était relancé. La seule évolution qui pourrait apporter un changement serait d'ordre politique, comme une décision du gouvernement israélien d'abandonner un grand nombre de terres en Judée - Samarie et de faire évacuer beaucoup de villages juifs. Une autre possibilité serait que notre gouvernement soit soumis à une pression américaine réclamant la mise en place totale et immédiate de la fameuse Feuille de route. En résumé, cela signifie que tant qu'il n'y aura pas d'évolution politique, la situation sécuritaire ne changera probablement pas. Par conséquent, si sur le plan politique les choses sont plus qu'incertaines, sur le plan sécuritaire je peux dire que nous contrôlons la situation très fermement et que nous opérons dans ces régions tous les jours et toutes les nuits.

Comment voyez-vous l'évolution des activités de peuplement juif de la Judée et de la Samarie ?

Après le désengagement de Goush Katif, soit depuis un peu plus d'un an, nous sommes en quelque sorte dans un état que je qualifierai de «cessez-le-feu». L'expansion des agglomérations n'a pas été poussée à outrance par les responsables et nous n'avons pas entrepris grand chose pour les stopper. Je dirai que curieusement, sur ce point précis, leur situation et celle des Arabes palestiniens se rejoignent d'une certaine manière: les deux populations sont dans l'expectative d'une initiative politique qui apporterait une solution acceptable pour tous.

Quel problème constitue votre préoccupation majeure du moment ?

Sans aucun doute, l'arrivée massive d'argent liquide en provenance de Beyrouth et de Damas pour les organisations terroristes. Mais je crois que notre plus grand défi pour 2007 est de bloquer les contacts entre Gaza et la Cisjordanie et le flot d'argent et d'armes circulant entre ces deux régions. Sans vouloir entrer dans les détails, je peux vous dire qu'il s'agit d'une question complexe car elle dépasse l'activité militaire à proprement parler et implique des banques, des services de renseignements et beaucoup d'autres institutions comme la brigade financière, etc.

Dans la région dont vous avez la responsabilité sécuritaire se trouve le tombeau de Joseph qui est à Naplouse (Chekhem). Pensez-vous normal que les Juifs ne puissent pas aller prier sur la tombe de l'un des personnages les plus importants de notre patrimoine religieux ?

Tout d'abord, dans la région, il n'y a pas que le tombeau de Joseph, il y en a d'autres, dont ceux de nombreux maîtres du Talmud et celui de Josué, qui se trouve dans un village arabe. Mais vous touchez là un point fondamental qui est de savoir si oui ou non Israël veut mener une politique de séparation entre les deux populations, juive et arabe palestinienne. Si tel est le cas, un certain nombre de décisions très dures s'imposent, dont celle d'empêcher les Juifs de se rendre sur certaines tombes. Mais nous abordons là l'aspect politique de la question. En ce qui me concerne, je me contenterai de parler de ce qui me préoccupe, à savoir la question sécuritaire. Or le fait est que la situation est très dangereuse et qu'il est impossible d'envisager de laisser circuler les gens librement dans les zones arabes. En ce qui concerne plus précisément le tombeau de Joseph, nous avons un accord qui permet aux Juifs de s'y rendre trois à quatre fois par an. Il faut savoir ce que ces visites impliquent pour l'armée. Je dois placer en alerte un nombre très impressionnant d'hommes et mettre leur vie en danger. Les préparatifs ne se font pas en un tour de main et nécessitent un grand travail de prévention. Une telle opération demande beaucoup de temps, de travail et d'énergie et je peux vous garantir que mes soldats seraient bien plus utiles pour d'autres actions nettement plus importantes.

Nous sommes à la veille de la célébration du quarantième anniversaire de la guerre des Six-Jours. En tant que militaire de carrière et Israélien, comment évaluez-vous l'évolution de la situation de 1967 par rapport à celle d'aujourd'hui ?

Je vous répondrai tout d'abord en tant que simple citoyen d'Israël. Chaque génération estime que les difficultés auxquelles elle est confrontée en son temps sont les plus importantes. Or aujourd'hui, je crois que nous sommes véritablement face à une difficulté majeure, mais qui ne constitue pas une surprise. En effet, au fur et à mesure que le temps passe, nous nous approchons de plus en plus du moment de vérité, celui où nous devrons affronter les questions fondamentales concernant notre existence ici même en tant qu'État juif. Parmi ces interrogations, il y a tout d'abord celles qui se rapportent aux relations complexes entre nous, Juifs religieux et non religieux, orthodoxes et libéraux, entre la gauche et la droite, etc. Suivent les interrogations telles que: comment vivre en tant qu'État juif démocratique doté d'une importante population arabe, la question des frontières, la justesse de notre cause à vivre sur ces terres. Un bon nombre de ces interpellations ont pu être mises de côté pendant les premières années de l'existence de l'État, soit de 1948 à 1973. Depuis lors, nous sommes dans une période de notre histoire où nous devons traiter ces questions importantes et ce n'est pas facile. Ceci demande beaucoup de patience et un très grand sens de discernement pour savoir ce qui est réellement important pour nous et ce qui est secondaire. Nous devrons être capables de nous doter d'un leadership fort et visionnaire. Je crois que ce qui déterminera notre avenir sera notre capacité à trouver un moyen de nous unir autour de valeurs et de buts communs. Nous devons savoir ce que nous voulons achever et comment nous voulons vivre en tant qu'État juif moderne dans un environnement dont les valeurs sont très différentes des nôtres. Il est fondamental que nous déterminions comment nous voulons façonner notre avenir et de quelle manière nous voulons être à même d'élever nos enfants ici. Le défi est difficile, mais il est surmontable et nous réussirons.
Sur le plan militaire, je vous dirai simplement qu'aujourd'hui, nous nous trouvons dans une bien meilleure situation qu'il y a quarante ans et que nous sommes à même de contrôler et de confronter nos ennemis.

Sur le plan international et souvent même dans la société juive en tant que telle, les actions de Tsahal sont très critiquées. Que répondez-vous à vos détracteurs ?

Je crois qu'avant de juger, il faut connaître et savoir. Or ceux qui nous attaquent ne viennent pas ici, ils ne font pas l'effort de comprendre ce qu'est le terrorisme, et ceci vaut d'ailleurs aussi pour un bon nombre d'Israéliens. Toutefois, à vos lecteurs qui croient vivre dans la quiétude en Europe et ailleurs dans le monde, je dirai qu'il ne faut pas qu'ils se fassent d'illusion. Le calme relatif qui prévaut aujourd'hui n'est que le prélude à la tempête et je leur conseille vivement d'abord de venir en Israël, puis de se rendre en Judée et en Samarie pour comprendre quels sont les buts et les souhaits du terrorisme que nous combattons, comme je vous l'ai dit, jour après jour et nuit après nuit.

En conclusion et pour illustrer concrètement le travail dur et astreignant du Brigadier Général Golan et de ses courageux soldats, citons deux communiqués laconiques publiés le 28 février dernier: «Trois terroristes palestiniens recherchés par Israël ont été abattus à Jenin. L'armée n'a pas confirmé son implication dans cette opération»; puis, «dans le but de retrouver un certain nombre de militants, la veille ville de Nablus a été bloquée, le couvre-feu a été rétabli et 50'000 personnes ont été confinées dans leurs foyers; l'armée a fouillé maison par maison et arrêté 25 suspects, dont 5 à Naplouse même. L'armée a déclaré que cette opération était nécessaire, car la majorité des bombes humaines tentant de commettre des actes de terrorisme en Israël provient de Naplouse».