Esther Bendhan

Esther Bendahan. (Photo: Bethsabée Süssmann)
Par Roland S. Süssmann

On assiste aujourd\'hui en Espagne à une certaine renaissance de la propagation de la culture juive. L\'organisation de séminaires, d\'expositions et de conférences de toutes sortes est en pleine expansion, mais nous avons décidé d\'aller à la rencontre de Mme ESTHER BENDAHAN, la première femme écrivain juive séfarade publiée et primée (Prix de la Révélation de la FNAC 2005) depuis l\'expulsion des Juifs d\'Espagne.
Jeune femme juive née dans le Maroc espagnol, Mme Bendahan incarne la femme moderne et dynamique, la mère juive d\'aujourd\'hui très au fait de l\'actualité et assumant son identité juive et espagnole avec fierté, franchise et sincérité. De plus, sa beauté, son chic naturel et sa sympathie communicative ne font qu\'ajouter un plus à ses nombreux atouts. Outre son activité d\'écrivain, Mme Bendahan est journaliste à la télévision espagnole, où elle est sous-directrice du programme juif Shalom diffusé sur TV2 le dimanche matin et dirigé par le rabbin Benito Garzon. Elle est également impliquée dans un grand nombre de projets culturels de type judaïque.
En 2000, Esther Bendahan a publié son premier livre, Soñar con Hispania, «Rêver avec l\'Espagne», écrit en collaboration avec une écrivaine israélienne, Ester Benari. Ce roman historique à deux voix se déroule au nord de l\'Espagne, dans un environnement juif mais dans un esprit d\'actualité. Son second livre, Deshojando alcachofas, «l\'Artichaut nu», parle d\'une femme juive séfarade qui rencontre une jeune femme dominicaine. Pendant une semaine, elles parcourent Madrid à la recherche de quelque chose d\'indéfini, découvrant en fin de compte qu\'il s\'agit d\'une quête sur leur propre identité, l\'une juive et l\'autre hispanique. La jeune juive réalise finalement que pour elle, le meilleur moyen d\'exprimer son identité juive est par le biais de la peinture, dont elle compte en faire son métier. Quant à la jeune hispanique, elle trouve son harmonie intérieure en Espagne et abandonne son rêve de reconstruire sa vie en République Dominicaine. Bien que l\'histoire en tant que telle soit écrite de manière assez simple, le livre démontre qu\'une compréhension mutuelle entre les deux identités et les deux cultures peut exister. Mais ce qui fait vraiment la particularité de ce livre est le fait qu\'il contribue en profondeur à faire connaître l\'âme et l\'identité juives. Dans cet esprit, il est important de savoir que le livre a été en tête des ventes pendant sept mois à la FNAC de Madrid et que l\'une de ses premières phrases est Shema Israël, la profession de foi la plus connue du judaïsme.
Son troisièm livre, Déjalo, ya volveremos, qui vient de sortir, parle des Juifs du Maroc espagnol. Il raconte la vie d\'une famille juive marocaine, de son processus d\'intégration et de la mémoire. L\'histoire est racontée par un narrateur qui se met dans la peau d\'une petite fille de sept ans et qui explique comment elle vit tous ces événements qui bouleversent sa vie et auxquels en fait elle ne comprend pas grand chose. Mais là n\'est pas le véritable message de cet ouvrage. Esther Bendahan a écrit ce livre pour rendre un hommage aux victimes du bateau Egoz qui a coulé le 11 janvier 1961 (23 Tevet 5721) près des côtes espagnoles avec un groupe de 44 immigrants juifs à son bord qui ont tous péri dans le naufrage. La petite fille du livre s\'amuse dans chaque chapitre à inventer les vies de ces personnes disparues dans cette catastrophe. A la fin de l\'ouvrage, moment qui coïncide avec le début de l\'intégration de sa famille en Espagne, son oncle lui révèle les véritables noms des victimes. Le livre constitue aussi un acte de mémoire pour les magnifiques communautés du Maroc espagnol qui ont pour ainsi dire totalement disparu.
Au cours de notre entretien avec Esther Bendahan, nous lui avons demandé dans quel esprit elle mène toute son activité à la fois riche et variée. «Nous vivons à une époque où, en Espagne, il y a une grande ignorance pour tout ce qui est juif, mais aussi une certaine demande d\'informations. Parallèlement, la presse et la gauche sont très profondément anti-israéliennes et pro-palestiniennes. C\'est notre responsabilité de Juifs de tout mettre en ?uvre afin que nous soyons mieux connus et compris, ce qui, avec le temps, permettra aussi que les positions israéliennes soient accueillies avec un esprit plus ouvert et sans préjugés basés sur l\'ignorance ou sur une fausse connaissance des réalités.»