Éditorial
Par Roland S. Süssmann - Rédacteur en chef
Chères lectrices, chers lecteurs,

«Et maintenant - que vais-je faire ?» chantait Gilbert Bécaud. Ce titre de l'une de ses plus belles chansons résume bien la situation dans laquelle Israël se trouve aujourd'hui. Après le déracinement des Juifs de Gaza et de Samarie, les points d'interrogations sont aussi nombreux qu'avant cette tragédie: le processus dit de paix n'a pas avancé d'un millimètre et sur le plan international, l'État juif reste «l'État paria», l'occupant qui bafoue les droits de l'homme élémentaires des pauvres Arabes de Palestine. Il est vrai qu'à l'ONU, A. Sharon a récolté louanges, applaudissements et même les serrements de mains de quelques dirigeants musulmans. Mais rien de plus !

Avant d'analyser les réalités politiques du moment, un hommage à l'action passée des héros du Goush Katif expulsés de leurs foyers s'impose. Chacun de nous doit être reconnaissant à ces familles qui, pendant des années, ont pratiqué le véritable sionisme en faisant fleurir des terres arides tout en défendant de leurs corps l'État juif et en subissant presque quotidiennement la violence arabe. Parmi eux, nombreux sont les foyers ayant perdu un être cher ou qui se sont retrouvés avec des enfants estropiés. Ils sont partis la tête haute sans s'opposer avec violence à leur expulsion, conscients des conséquences d'une guerre civile en Israël. «Défendu Israël avec leurs corps ?» Vraiment ? Depuis plus de 30 ans, la présence de civils israéliens dans le Goush Katif a constitué, en coopération avec l'armée, une ceinture de sécurité pour tous les villages et kibboutzim du Néguev, qui ont ainsi pu prospérer tranquillement depuis 1967. Leur protection sera désormais assurée au péril de la vie des soldats israéliens, car il serait illusoire de croire que les moyens électroniques dont dispose l'armée suffiront à remplacer la présence juive à Goush Katif. Moins d'une semaine après le retrait de Tsahal, tous les habitants du nord du Néguev ont été confinés à demeure pour quelques heures, des terroristes arabes venus de Gaza s'étant infiltrés dans le village de Netiv Ha'assara, près du kibboutz Yad Mordehaï. Parallèlement, l'Égypte a immédiatement ouvert ses frontières avec Gaza et en trois jours, elle a laissé rentrer une quantité d'armes et d'explosifs supérieure à celle passée en contrebande pendant l'année précédant le retrait de Tsahal du passage Philadelphi. C'est là qu'au cours des quatre dernières années, de nombreux soldats israéliens ont payé de leurs vies la lutte contre le trafic d'armes.
Aujourd'hui, les Arabes et les gauchistes jubilent. «Enfin Sharon a fait quelque de chose sensé ... quel début prometteur !». Ils considèrent le crime de l'expulsion de milliers de Juifs de leurs maisons comme un premier pas vers l'accomplissement de leur rêve - non pas la paix ou une forme de coexistence pacifique entre les deux populations - mais de la seule solution finale devant mener à un Moyen-Orient pacifié: la création d'un État islamique au c½ur même d'Israël avec Jérusalem pour capitale. Pas Jérusalem-Est, Jérusalem. Or c'est faire preuve d'un manque de perspicacité et de vision politiques que de croire que dans le monde arabe, il existe une tendance dite «modérée» (par rapport à qui, à quoi ?). Dès le dernier soldat israélien parti de Gaza, le «bon» Abou Abbas a déclaré - non pas en arabe, mais en anglais pour que ce soit clair pour tous: «Nous célébrons la première victoire du grand Djihad. Le combat continue». Les objectifs arabes de 1948 n'ont pas été abandonnés. Pratiquement 60 ans après la création d'Israël, ils ont toujours le même but, qui a servi de prétexte à cinq agressions armées et au terrorisme: la destruction de l'État juif et son remplacement par un État arabe supplémentaire.

L'histoire juive n'oublie ni ne pardonne. Ariel Sharon, son gouvernement et la XVIe Knesset entreront dans les annales du peuple juif comme la législature qui, par sa faiblesse, a récompensé le terrorisme arabe, l'assassinat et la mutilation de milliers de Juifs.

Aujourd'hui, Israël n'a plus aucune responsabilité envers la population de Gaza. Mais demain, forcée par la multiplication des actes de terrorisme en provenance de Gaza et au vu de l'anarchie qui y règnera, l'armée sera obligée de reprendre le contrôle de cette bande de terre, comme elle devra aussi retourner sur l'ensemble des territoires abandonnés à l'OLP depuis 1993. Ce sera là le seul moyen pour elle de remplir son devoir: protéger les citoyens d'Israël. Malheureusement, entre-temps, l'euphorie actuelle, très limitée en Israël, sera rapidement remplacée par le chagrin et le deuil, comme après les Accords d'Oslo.

Au cours de son discours à l'ONU, Ariel Sharon a offert la paix aux Arabes, comme Ehoud Barak au sommet de Camp David en juillet 2000. Celui-ci avait échoué car, malgré les concessions majeures d'Israël, Arafat avait refusé de mettre un terme au conflit. Les divergences d'alors sont toujours les mêmes: les réfugiés, les frontières, Jérusalem et les arrangements sécuritaires en Cisjordanie. Concernant le premier point, dans un article paru récemment dans le quotidien arabe de Londres Al-Hayat, Abou Mazen a écrit: «Le retour des réfugiés ne peut se faire qu'en Israël et non dans un État palestinien. Nous avons été choqués par les propos de G. Bush concernant la préservation d'Israël en tant qu'État juif, car nous espérions pouvoir submerger le pays avec des centaines de milliers de réfugiés pour qu'ils dépassent la majorité juive». Le message est clair. Quant à la question des frontières, l'OLP revendique non seulement le retour à celles de 1967, soit la liquidation totale de toutes les agglomérations juives de Judée-Samarie, mais aussi une partie de la région de Latrun, qui comprend une section de l'autoroute reliant Jérusalem à Tel-Aviv. Sur la question de Jérusalem, en plus de vouloir en faire la capitale du futur État palestinien, Abou Mazen exige la liquidation des habitations juives des alentours et déclare: «Il peut exister une affiliation des Juifs avec le Mur des Lamentations, mais ce n'est pas une raison pour le maintenir sous souveraineté israélienne». Quant aux arrangements sécuritaires, l'OLP rejette toute forme de présence israélienne en Cisjordanie. Douze ans après Oslo, au moment où tout le monde parle de «nouvelles chances» - la disparition d'Arafat et le retrait de Gaza -, un accord même symbolique permettant l'instauration d'une forme de vie commune tranquille et garantissant au moins à Israël des frontières défendables, est plus éloigné que jamais.

Dans ces conditions, que peut-on faire - que doit-on faire ? Pour nous, Juifs de la diaspora, malgré le traumatisme des expulsions, il ne saurait être question de remettre en cause notre soutien à Israël. Nous sommes dévoués à l'État juif et non à un gouvernement. Quant à Israël, il sait à quoi s'en tenir: dans le but d'être à même de négocier en position de puissance, il doit renforcer son identité juive et développer les domaines militaires, économiques et scientifiques. Demain peut-être, les grands de ce monde ne se bousculeront-ils plus aux portes d'un Premier ministre parce qu'il aura capitulé..., mais pour bénéficier de tous les bienfaits qu'Israël apporte à l'humanité.
L'année qui se termine laisse un goût amer. Abordons la nouvelle année dans l'esprit du verset du prophète Jérémie que le général Gershon Hacohen, responsable de l'opération de désengagement, a mis en tête de l'ordre du jour de ses hommes qui ont procédé sans armes au déracinement des familles de Goush Katif: «Tout comme je m'étais appliqué contre eux à arracher, renverser, démolir, détruire et faire des ruines, ainsi je m'appliquerai, en leur faveur, à bâtir et à planter, dit l'Éternel».
C'est dans cet esprit constructif et authentiquement juif que toute l'équipe de SHALOM vous souhaite une excellente année.

Roland S. Süssmann
Rédacteur en chef - Octobre 2005