Fermeté et pragmatisme
Par Roland S. Süssmann
En ces temps difficiles et perturbés, Israël et le peuple juif ont la chance d'être gouvernés par un grand dirigeant, un grand Juif, un homme de paix, un stratège hors pair et, comme je l'ai déjà écrit, par le seul homme d'État de notre temps: ARIEL SHARON. L'évolution de la situation en Israël inquiète et affecte chaque Juif, même celui qui est assimilé ou très éloigné de ses véritables racines. C'est pour apporter quelques clarifications sur le sujet que le Premier ministre d'Israël a accepté de me recevoir en tête-à-tête. Notre rencontre exclusive a duré environ une heure et l'essentiel des propos échangés est rapporté ici.

Selon vous, quelle est votre plus grande réalisation depuis votre accession au pouvoir il y a environ dix-huit mois?

Tout d'abord, nous avons pris les mesures nécessaires afin que notre droit à l'autodéfense soit reconnu et accepté à travers le monde. Cela peut sembler aberrant, mais il faut se rappeler qu'Israël était le seul État indépendant à qui la communauté internationale contestait ce droit élémentaire. J'ai fait clairement comprendre au monde entier, amis et rivaux, qu'Israël n'abandonnera jamais ce droit. Il faut se souvenir combien la communauté internationale était "choquée" lorsqu'il y a environ un an, alors qu'une vague d'attentats sévissait en Israël, nous avons décidé de prendre des mesures préventives et avons pénétré de 300 mètres à l'intérieur d'une zone sous contrôle palestinien. Or aujourd'hui, nous agissons librement pour nous protéger et aucune protestation ne se fait entendre. Nous n'avons pas encore réussi à stopper tous les actes de terrorisme, mais notre armée a de nombreux succès à son actif. Si nous n'avions pas pris ces dispositions, le taux des victimes aurait été bien plus élevé. Tous les moyens utilisés pour prévenir la terreur - présence de l'armée, construction provisoire d'une clôture de protection, etc. - nous ont permis d'éviter que de nombreux assassinats ne soient commis en Israël. Nous avons toujours un problème sérieux pour éviter les bombes humaines, mais nous sommes parvenus à réduire considérablement leur nombre.
Sur le plan politique, la communauté internationale sait aujourd'hui qui est M. Arafat et ce qu'est l'Autorité palestinienne. Celle-ci est maintenant reconnue comme étant le "royaume" du terrorisme, des assassinats et de l'empire du mensonge. Il n'a pas été facile de convaincre le monde de cette réalité. Il y a un an encore, une telle reconnaissance par les États-Unis et même par l'Europe, pourtant bien au courant des faits sans pour autant les reconnaître publiquement, était totalement hors de portée. Or aujourd'hui, cette prise de conscience générale constitue un fait qui influence directement toute la politique internationale sur le Moyen-Orient. D'ailleurs, les conditions que j'ai posées pour qu'une négociation avec l'Autorité palestinienne puisse être envisagée sont aujourd'hui reconnues par l'ensemble des chancelleries comme étant un préalable minimal, pratique, basé sur le bon sens et conforme à toutes les normes qui régissent les relations entre deux populations. Un refus ou une application partielle de celles-ci, de la part de l'Autorité palestinienne, constituerait la preuve de sa mauvaise foi. Elle devrait en assumer les conséquences, car la communauté internationale ne l'accepterait pas.
Lorsque l'on écoute le discours du président Bush, il ressort clairement que le monde a compris qu'il n'y a pas de solution globale au problème, mais que seule une évolution progressive et par étapes peut mener à une stabilisation de la région. Cela dit, il est clairement établi qu'Israël ne négociera pas sous le feu et n'acceptera pas de s'engager dans une négociation politique quelle qu'elle soit aussi longtemps que la violence continuera à l'égard de ses citoyens. Tant qu'il ne sera pas mis un terme au terrorisme, il n'y aura aucun changement dans notre détermination et nous poursuivrons notre action sur le terrain. Sur ce point précis, nous ne ferons aucune concession !

Comment pensez-vous que la situation va évoluer ?

Si, à long terme, nous constatons qu'une véritable réforme prend place au sein de la direction palestinienne, le programme proposé par le président Bush, qui offre une chance de stabiliser les relations entre les Israéliens et les Arabes, pourra alors peut-être mener à un règlement permanent du conflit. Israël a officiellement accepté la vision du Président et son intention d'en appliquer ses termes uniquement à condition que l'Autorité palestinienne accepte et réalise toutes les exigences requises. Bref, il faut qu'elle assume ses responsabilités. Ceci implique qu'elle entreprenne une véritable réforme de ses organisations de sécurité\terroristes qui sont toutes directement compromises dans des actes de terrorisme. Dans ce cas précis, il s'agit de démanteler totalement ses forces militarisées et terroristes et de collecter tout leur armement, puis d'établir de nouvelles forces sous un commandement unifié dirigé par un ministre n'ayant jamais été lié au terrorisme. Celles-ci ne pourront opérer exclusivement que sous un contrôle international, avec des experts professionnels en provenance des États-Unis ou éventuellement des pays donateurs comme l'Europe et le Japon, qui seront chargés de surveiller strictement l'ensemble de leurs activités. De plus, le système financier et tout ce qui touche directement aux fonds de l'Autorité devront être totalement réformés. Cette réorganisation devra commencer par l'exclusion pure et simple d'Arafat des organisations de sécurité et des institutions financières. Il devra être totalement isolé et absent du mécanisme de réforme, car tant qu'il contrôlera les armes et l'argent, rien ne changera et la situation actuelle perdurera. Ces deux éléments sont les plus importants de tout le processus. Il est malheureux que l'Union européenne et les États arabes continuent de transférer de l'argent directement à Arafat alors qu'ils savent pertinemment qu'une partie de ces fonds finance le terrorisme et que le reste disparaît dans des poches privées. Aujourd'hui, il s'agit d'établir une direction palestinienne transparente et qui rende des comptes. Celle-ci devra par exemple mettre un terme au financement du terrorisme et interdire à Arafat de continuer à établir les fiches de paye des brigades "Al-Aqsa". Mais cela ne suffira pas et les organismes internationaux de surveillance devront avoir un ?il sévère sur le système économique et judiciaire. Quant à l'éducation, il faut savoir que la haine anti-israélienne est enseignée à la jeunesse dès le jardin d'enfants et que la prochaine génération est déjà empoisonnée. Là aussi, une autorité internationale devra contrôler et empêcher toute incitation à la haine. Vous le voyez, lorsque nous parlons de réformes, il s'agit d'une action en profondeur qui donnera naissance à une toute nouvelle Autorité palestinienne. Israël n'acceptera jamais que des réformes civiles soient mises en place alors que l'essentiel, à savoir la réforme sécuritaire et financière, n'a pas été radicalement appliqué. Il s'agit de deux types de changements fondamentaux qui ne peuvent pas être réalisés simultanément. Aujourd'hui, les forces de l'Autorité palestinienne sont subdivisées en douze gangs armés qui se nourrissent de pillages, d'extorsions de fonds et du racket. De plus, ils sont en compétition pour tuer un maximum de civils israéliens. Jusqu'à ce que ces bandes armées d'Arafat qui dominent l'Autorité palestinienne soient dissoutes et remplacées par une force militaire organisée qui combat le terrorisme, aucun changement au sein de l'Autorité ne sera véritablement considéré comme étant sérieux. Sans la création d'une force palestinienne de sécurité totalement reconstituée comme je viens de vous la décrire, le terrorisme ne sera pas combattu correctement et notre armée devra rester dans les zones arabes afin de prévenir tout acte de terrorisme.

Dans votre discours politique, le terme "état palestinien" est régulièrement mentionné. S'agit-il d'une tactique pour gagner la sympathie internationale ou pensez-vous effectivement qu'un tel état devrait voir le jour ?

Je vous ai énuméré les conditions nécessaires afin que nous puissions reprendre un dialogue politique avec les palestiniens et je peux vous dire que pour l'instant, ils sont encore très loin de remplir ne serait-ce que le début de nos exigences. Malgré cela et afin de démontrer qu'Israël est disposé à tout mettre en ?uvre pour que le plan Bush puisse être mis en place, j'ai ordonné à l'armée de prendre un certain nombre de mesures afin d'améliorer les conditions de vie des Arabes vivant dans les régions que nous avons dû réinvestir et ce également sur le plan humanitaire. De plus, j'ai donné l'autorisation à 7000 ouvriers arabes habitant à Gaza de venir travailler en Israël même. Il faut bien comprendre qu'il s'agit d'une décision risquée étant donné les antécédents de collaboration de ce type de personnes avec des organisations terroristes. J'ai également demandé à notre ministre des Finances de transférer des fonds bloqués au nouveau ministre des Finances palestinien. Toutes nos initiatives unilatérales de bonne volonté n'ont trouvé aucun écho du côté arabe et à ce jour, aucun engagement n'a été pris pour une réforme en profondeur de la sécurité ou de la prévention du terrorisme. Je pense donc que tout geste supplémentaire de notre part qui irait au-delà des mesures humanitaires essentielles serait considéré par les palestiniens comme un acte de faiblesse et une récompense du terrorisme. Sur le plan politique, il constituerait un affront fait au président Bush et à son programme sur le Moyen-Orient. Cela dit, nous sommes très éloignés de l'établissement d'un éventuel futur état palestinien. Si Arafat déclarait son état aujourd'hui, en tenant compte du fait que 160 pays ont soutenu l'accession de la Syrie au Conseil de Sécurité (15 abstentions et une seule voix contre: Israël), je pense que 170 pays le reconnaîtraient immédiatement. J'estime qu'à très long terme, un état palestinien pourrait voir le jour mais, pour qu'il soit acceptable pour Israël, il devra être totalement démilitarisé. Je ne crois pas que nous serons à même de nous installer indéfiniment à Ramallah ou dans une autre ville arabe. Toutefois, je le répète, nous y resterons le temps nécessaire. Tant que tout risque de terrorisme continuera d'exister, nous ne quitterons pas les lieux. Il faut bien comprendre qu'aussi longtemps que notre présence permettra d'éviter ne serait-ce qu'un seul attentat, l'armée ne se repliera pas de ces endroits. Si nous nous retirions aujourd'hui, nous serions soumis à une vague de terreur sans précédent.

Comment voyez-vous l'avenir ?

Au cours de l'année écoulée, je me suis rendu six fois à Washington. J'y ai eu de nombreuses conversations très recherchées et constructives, plus spécialement avec le Dr Condoleezza Rice, National Security Advisor, qui a un esprit d'analyse particulièrement brillant. Or vous n'ignorez pas que les États-Unis soutiennent activement l'idée de la création d'un état palestinien. Comme moi, Mme Rice est arrivée à la conclusion qu'il ne serait pas sain de fixer une date pour l'établissement d'un tel état. Les choses doivent se faire par étapes. Tout d'abord, tant que le calme total ne sera pas revenu, il n'y aura aucune évolution. Une fois cette première étape solidement établie, il faudra définir une période d'observation mutuelle pour voir comment les relations entre les Israéliens et les palestiniens évoluent effectivement. Il faudra aussi examiner si oui ou non ils prennent les mesures nécessaires pour détruire les organisations terroristes et leurs infrastructures, bref s'ils répondent à 100% à nos exigences. L'avenir ne se joue pas à court terme et toute forme de stabilisation ne se fera que par phases consécutives. Si une nouvelle direction palestinienne est établie, elle devra agir effectivement et ne pas se contenter de faire des grandes déclarations qui ne sont jamais suivies dans les faits. A ce sujet, j'ai été très clair et voici les détails des étapes minimales requises qui permettront d'établir une base solide pour préparer un avenir permettant aux populations de la région de vivre dans le calme. Premièrement: tous les terroristes et leurs commandants devront être arrêtés, interrogés et mis devant les tribunaux. Des condamnations sérieuses devront être prononcées et un terme devra être mis aux parodies de justice actuelles. Deuxièmement: toutes les organisations terroristes devront impérativement être dissoutes, ce qui inclut le Hamas, le Djihad Islamique, le Front Populaire, le Front Démocratique, la garde présidentielle Force 17, les brigades Al-Aqsa, le Fatah, etc. Troisièmement: tous les armements illégaux devront être collectés, remis à une tierce partie et détruits. Quatrièmement: la direction palestinienne devra prendre de véritables mesures préventives pour éviter que des actes de terrorisme ne soient commis en Israël. A ce sujet, je rappellerai ici qu'avant notre intervention, lorsque nous savions qu'une attaque terroriste se préparait, en particulier une bombe humaine, nous étions toujours confrontés aux choix suivants: soit nous intervenions directement, soit nous transmettions l'information exacte (noms, lieux, etc.) sur les terroristes à l'Autorité palestinienne pour qu'elle les arrête. Non seulement elle ne procédait à aucune arrestation, mais elle avertissait les terroristes qui allaient se cacher ailleurs de manière à ce que nous ayons des difficultés à les retrouver. Ce genre de choses doit être totalement stoppé. Cinquièmement: toute forme d'incitation à la haine contre les Juifs devra cesser. Tant que toutes ces conditions ne seront pas remplies, nous considérerons chaque acte de violence, même isolé, comme un acte de terrorisme caractérisé et nous réagirons en conséquence, sans parler de tout le travail de prévention que nos forces continueront d'effectuer jour après jour, nuit après nuit. Bref, tant que les responsables arabes ne feront pas le nécessaire, c'est nous qui prendrons les mesures que nous estimons justes et appropriées.


En votre qualité de leader du peuple juif, en ce Roch Hachanah 5763, qu'attendez-vous de la communauté juive à travers le monde et dans quel esprit abordez-vous la nouvelle année?

Avant tout, j'aimerais engager chacun d'entre nous à rester juif. J'entends par là que chacun fasse le nécessaire pour renforcer son identité juive: étudier l'hébreu et la Bible, approfondir la connaissance de l'histoire du peuple juif et de celle de la terre d'Israël. Les Juifs de la Diaspora doivent savoir que depuis des millénaires, la vie juive n'a jamais été interrompue ici, sur nos terres. Ils ne doivent jamais oublier qu'ils font partie d'un peuple dont ils peuvent être fiers. Je leur demande non seulement de rester juifs, mais de se rapprocher de plus en plus du judaïsme. La seconde chose est de venir vivre en Israël. Je sais que ce n'est pas une chose simple ou facile, mais en ce Roch Hachanah, je prie pour que ceux qui ne peuvent pas franchir ce pas nous envoient leurs enfants pour étudier ou dans des camps de vacances, et que ceux qui en ont les moyens achètent de l'immobilier ici. Je les encourage vivement à investir en Israël et surtout à apporter un soutien aussi large que possible au gouvernement démocratiquement élu. Je souhaite au peuple juif tout entier que la nouvelle année soit vécue dans la sécurité, que des développements politiques positifs puissent être atteints et qu'un jour, avec l'aide de D', ceux-ci nous mèneront à une paix authentique.
Quant à savoir dans quel esprit j'aborde la nouvelle année, je pense sincèrement qu'il est essentiel que comme moi, chacun d'entre nous s'y engage avec grand optimisme. Celui-ci doit être basé sur toutes les réalisations remarquables que nous avons accomplies ici, en Israël, au cours des 120 années écoulées, ce en dépit de toutes les difficultés et avec le fusil pour nous protéger dans une main. Israël, c'est autre chose que le sang, le feu et la poussière qui recouvrent son image. Nous sommes les leaders dans tellement de secteurs, en particulier sur le plan scientifique, industriel, médical, de la biotechnologie, sans parler du fait que nous avons mis au point les systèmes les plus avancés de l'agriculture moderne. La liste est longue et touche pratiquement tous les aspects de la vie. J'espère que le jour viendra où Israël fera la une de la presse non plus pour les actes de violence dont il est victime, mais pour ses accomplissements remarquables tant dans les domaines que je viens de citer que sur le plan culturel et démocratique. Il ne fait aucun doute que tous ces éléments permettront de relancer notre économie avec succès.
Voyez-vous, nous sommes les gardiens d'un bien qui nous appartient à nous tous, Israéliens et Juifs de la Diaspora. Cette fonction implique que nous, qui vivons ici, avons une part un peu plus importante de la charge et des responsabilités sur nos épaules. Je terminerai en soulignant une fois de plus que Jérusalem ne nous appartient pas, mais est la propriété de la communauté juive mondiale. Chaque génération n'en est que le conservateur temporaire chargé de transmettre ce magnifique flambeau de génération en génération. CHANAH TOVAH !