Tourisme et terrorisme
Par Roland S. Süssmann
Pendant la Guerre du Golfe, j’ai eu le privilège de rencontrer Rechavam Amikam Zeevi szl. qui, à l’époque, avait été nommé Ministre sans portefeuille du gouvernement de Itzhak Shamir. Comme il n’avait pas encore de bureau fixe, il m’avait reçu dans les étages supérieurs du cabinet du Premier ministre et notre conversation, riche et profonde, s’était déroulée dans une ambiance chaleureuse et empreinte de sérieux. J’avais en face de moi un grand homme, un grand Juif et un grand Israélien, qui dévouait toute sa vie à l’essor de la nation.
Notre rencontre avait eu lieu le soir, à l’heure où les SCUD de Saddam Hussein pleuvaient sur Israël, et il n’y avait plus de taxis pour rentrer à l’hôtel. «Ghandi» m’avait immédiatement proposé de me ramener dans sa voiture ministérielle. En nous quittant, il m’avait notamment dit: «Vous devez bien comprendre que si nous ne voulons pas redevenir des réfugiés permanents, nous devons exprimer clairement et ouvertement, d'abord à nous-mêmes puis au monde entier, que nous avons tenté de vivre dans de nombreux pays et connu l'Inquisition, les pogroms et la Shoa. Nous n'avons pas d'autre endroit et pas d'alternative. Les Arabes, eux, ont vingt et un pays où vivre. Pour notre bien et afin que nous puissions nous développer en paix, nous devons prendre certaines mesures, même si celles-ci sont impopulaires ou douloureuses.» (Voir SHALOM Vol. XI).
Mais qui était Rechavam Zeevi ?
Né en 1926 à Jérusalem, issu d’une famille qui vivait depuis six générations dans la capitale, il était père de cinq enfants, grand-père de 19 et une fois arrière-grand-père. Militaire de carrière, vétéran du Palmach (d'où lui venait son surnom de Gandhi), il a servi pendant trente ans dans Tsahal et participé à toutes les guerres imposées à Israël. En 1974, il a quitté l'armée avec le grade de Major général pour devenir Conseiller spécial du Premier ministre Itzhak Rabin dans les domaines du renseignement et du contre-terrorisme, poste qu'il a occupé pendant trois ans. De 1977 à 1981, il a servi l’État à l'étranger, en particulier en Asie, en Afrique et en Amérique Latine. En 1981, il a été nommé à la tête de l'une des institutions éducatives et culturelles les plus prestigieuses d'Israël, «The Eretz Israel Museum» de Tel-Aviv. En 1988, Rechavam Zeevi a créé un nouveau parti politique, le parti «Moledet» (Patrie). Il était l’auteur de plusieurs ouvrages publiés par le musée. C’était un Juif sincèrement religieux et pratiquant qui mettait ses Tefilines (phylactères) tous les jours.
Le 17 octobre 2001, Rechavam Zeevi szl., dit «Ghandi», ministre du Tourisme de l’État d’Israël, a été assassiné par deux terroristes arabes, membres de l’OLP. C’est la 188e victime juive tombée depuis le lancement par Arafat de ce qu’il appelait «la Guerre d’Oslo».
Chez nous, en Suisse, ce drame n’a été commémoré par aucune manifestation de tristesse, aucun office du souvenir n’a été organisé, aucune démonstration de protestation n’a eu lieu devant les bureaux de l’OLP, et nos dignes représentants et dirigeants aussi bien temporels que spirituels se sont abstenus de faire paraître la moindre annonce mortuaire. L’assassinat d’un Ministre juif par deux Arabes a simplement été passé sous silence. Afin de combler un peu cette carence aussi triste que honteuse, j’ai décidé d’interviewer son successeur, S.E.M. le rabbin BENJAMIN ELON, qui, en sa qualité de numéro deux du parti Moledet, fondé par «Ghandi», a automatiquement été nommé à ce poste ministériel.

Avant de nous parler de votre activité dans le cadre du Ministère du Tourisme à un moment où cette industrie souffre particulièrement en Israël, j’aimerais savoir comment vous allez continuer l’action de «Ghandi» et perpétuer son héritage ?

Rechavam Zeevi szl. était un authentique héros juif, l’un des pères de Tsahal, l’Armée de Défense d’Israël. Malheureusement, le temps presse et nous ne pouvons pas organiser de grandes cérémonies de commémoration. La période de deuil à proprement parler est terminée et nous avons repris son combat comme s’il ne nous avait pas quittés, ce qui constitue le plus beau mémorial que nous puissions ériger en sa mémoire. Comme vous le savez, nous faisons partie de la coalition gouvernementale, ce qui n’est pas facile tous les jours, car nous estimons que notre gouvernement ne réagit pas de façon efficace aux exactions du terrorisme arabe dont nous sommes victimes depuis un an et demi. A notre avis, nous devrions entreprendre une action courte et fulgurante comme l’Amérique l’a fait en Afghanistan, en bannissant tout accès aux médias.
Dans le cadre de mon Ministère, je fais tout mon possible afin d’éviter que cette industrie ne s’effondre totalement. Toutefois, il faut avant tout stopper le terrorisme et non le tourisme. Comme vous le savez, l’une des principales composantes de la démocratie réside dans le fait que les gouvernements nouvellement élus respectent les accords conclus par leurs prédécesseurs. Or ceux qui nous ont précédés ont donné des armes à l’OLP. Pour ma part, je faisais partie de cette opposition minoritaire qui manifestait dans les rues contre le fait de l’armer. Or feu Itzhak Rabin et Shimon Peres nous disaient alors «que nous ne comprenions rien à rien, car l’OLP utiliserait les armes que nous lui fournissions contre les ennemis de la paix, à savoir le Hamas, le Djihad Islamique et tous les groupuscules fondamentalistes». Ils étaient également convaincus qu’Arafat ne s’embarrasserait pas de considérations relatives aux droits de l’homme et agirait librement, sans être entravé par une Haute Cour de justice. A l’époque, notre parti et ceux qui nous suivaient ont perdu le combat politique. Aujourd’hui, en tant que membres du gouvernement, nous devons dire haut et fort: «Nous avons créé ce monstre, nous l’avons armé, nous lui avons offert un refuge et avons facilité sa criminalité.» Par conséquent, en politique comme dans la vie, lorsque l’on commet une erreur, il faut d’abord la reconnaître et ensuite la corriger. Notre première action politique est de convaincre le gouvernement de lancer une action militaire avec pour mission d’aller de maison en maison récupérer les armes. Malgré mes critiques, je dois reconnaître que depuis l’assassinat de «Ghandi», l’armée entre et sort des zones sous contrôle total de l’OLP et un tank est placé à 70 mètres du domicile d’Arafat. C’est un début, mais de loin insuffisant, car nous devons absolument détruire toute l’infrastructure terroriste qui a été établie. C’est notre devoir et nous n’avons pas d’autre choix.

Quel est l’avenir du parti Moledet ?

Nous menons un combat sur le plan spirituel, psychologique et politique. Les Arabes ont tué le Ministre du Tourisme – je ne les laisserai pas assassiner le tourisme. Ils ont tué le fondateur et dirigeant du parti Moledet – je ne permettrai pas que notre parti périsse. Il faut bien comprendre qu’il s’agit de deux éléments intimement liés. Nous devons démontrer aux Arabes qu’ils n’ont aucune chance de nous battre ou de nous faire changer de mode de vie. Depuis cet assassinat, de nombreux Israéliens se sont joints à notre parti et, afin de gagner plus d’adhérents, je fais campagne de ville en ville. Nous restons dans la coalition gouvernementale afin de montrer un front uni à nos ennemis, car nous ne pouvons pas donner à Arafat la satisfaction de nous diviser. Chaque jour de gouvernement d’Union nationale qui passe nous rapproche de l’effondrement total d’Arafat.

Si le tourisme est si radicalement en baisse, c’est bien parce que les gens ont peur de venir en Israël. Que faites-vous pour remédier à cette situation ?

Je vous rappellerai que depuis le 11 septembre 2001, le monde en général, mais en particulier celui du tourisme, a subi un changement radical. Le nombre de déplacements est fortement en recul et la crainte de voyager s’est très rapidement propagée. En Israël, cet état de choses prévalait depuis le mois d’octobre 2000 ! L’année 2001 a avant tout été celle de la terreur et pourtant, nous avons vécu la plus importante progression du tourisme intérieur depuis la création de l’État. Par exemple, les hôtels de la mer Morte, qui ont connu une baisse de plus de 50% de nuitées en provenance de l’étranger, ont eu un taux d’occupation supérieur de 10% à celui de l’an 2000. Il faut donc le dire haut et fort: les Israéliens ont sauvé l’industrie du tourisme de la faillite ! La situation varie énormément d’un endroit à l’autre, à Eilat, les hôtels sont souvent pleins pendant la semaine alors qu’à Jérusalem, ce n’est le cas que pendant les week-ends où de nombreuses familles religieuses viennent passer Shabbat dans la capitale.

Qu’en est-il des Juifs de la Diaspora ?

J’estime que depuis des années, la stratégie du Ministère est fausse et particulièrement dans une époque comme celle que nous vivons. Israël était vendu comme un paradis du style «mer-soleil-bikini» bref, une sorte de concurrence pour Majorque. Or telle n’est pas notre spécificité. J’ai donc supprimé toute forme de publicité qui allait dans ce sens et décidé que notre budget publicitaire serait alloué à une forme de marketing dans le but de créer une relation directe avec l’ensemble des communautés juives. Notre objectif est d’établir des groupes de solidarité, en nous rendant de communauté en communauté, de rabbin en rabbin. Les chiffres ont démontré que nous ne pouvons pas compter sur le tourisme chrétien et que celui-ci a besoin d’être revitalisé. Afin d’illustrer mes propos, en l’an 2000, 185'000 Italiens se sont rendus en Israël alors qu’en 2001, ils n’étaient que 18'000 ! Nous avons connu une baisse de 50% des touristes protestants et une croissance de 3% des touristes juifs ! Cette augmentation est uniquement due aux missions de solidarité qui sont venues en Israël pour quelques jours. Afin de réussir dans mon action, j’ai délégué des émissaires à plein temps à New York, Paris, Londres et dans l’ex-URSS, avec pour mission d’organiser ces groupes.

Vous estimez donc qu’il est de la responsabilité des rabbins de coordonner des groupes de solidarité et d’encourager les Juifs à visiter Israël ?

Il ne fait aucun doute que ceci fait partie de leurs devoirs. D’ailleurs, je peux vous dire que cette démarche s’avère payante et que nous commençons à voir des résultats. Malgré toutes les difficultés, il y a quand même 1'300'000 touristes internationaux qui sont venus en Israël en 2001.
En conclusion, je dirai que notre action se situe sur deux fronts intimement liés et au niveau desquels nous travaillons d’arrache-pied: la destruction de l’infrastructure terroriste et l’augmentation du tourisme juif de solidarité en Israël. Bien entendu, j’encourage tous les lecteurs de SHALOM à faire acte de fraternité et de cohésion et à venir en voyage en Israël !