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Sommaire Roch Hachanah 5770 Automne 2009 - Tishri 5770

Editorial
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Exclusivité Shalom
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Roch Hachanah 5770
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Politique
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Interview
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Analyse
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Economie
    • Economie à l'israélienne ! [pdf]

Sciences et Médecine
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Jordanie
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Judée - Samarie
    • Vie normale [pdf]
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    • Shomriyah [pdf]

Crimes et Justice
    • Le cas Demjanjuk [pdf]

Art et Culture
    • L'art dans la Shoah [pdf]

Ethique et Judaïsme
    • La responsabilité financière [pdf]

La mémoire courte
    • Les événements du mois de septembre [pdf]

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Droits et Devoirs

Rav Israël Meïr Lau. Photo Bethsabée Süssmann

Par Roland S. Süssmann
Cette année encore, comme toutes les années précédentes, au moment de Roch Hachanah et de Yom Kipour, même les plus éloignés d'entre nous du judaïsme retrouvent le chemin de la synagogue, les uns juste pour un petit moment, les autres pour une prière prolongée. Nous avons tous un seul et même but: nous remettre en question, passer l'année en revue, nous livrer à un bilan des bonnes et des mauvaises actions, éventuellement prendre de bonnes résolutions, mais surtout demander à l'Éternel d'exaucer nos supplications, la plus importante étant de nous accorder la vie et la santé. D'année en année, ces solennités se ressemblent dans la forme et dans l'expression et malgré tout, elles ont à chaque fois leur propre spécificité dictée par la réalité et les exigences du moment. Au seuil de l'année 5770 et afin de nous aider dans nos réflexions et méditations, nous avons demandé à Rav ISRAËL MEÏR LAU, Grand Rabbin de Tel-Aviv et ancien Grand Rabbin ashkénaze d'Israël, de bien vouloir nous guider.

Quelle est, selon vous, la préoccupation majeure qui caractérise notre époque et qui devrait dominer nos pensées en ce début d'année ?

Bien entendu, chacun d'entre nous se rend à la synagogue avant tout pour prier pour son bien-être général, sa santé, sa famille et sa réussite professionnelle. Mais je voudrais répondre à votre question en dépassant le niveau individuel et placer ma réflexion sur un plan national. Au début de l'année écoulée, nous pensions que deux menaces fondamentales constituaient notre principale préoccupation. Tout d'abord, la question de l'Iran, qui présentait un grave danger pour notre survie. N'oublions pas que son président déclarait ouvertement que l'État d'Israël n'a pas le droit d'être établi ici et que la Shoah n'a pas existé, que nous l'avons simplement inventée afin de voler les terres d'autrui. Pendant toute l'année, la menace iranienne était suspendue au-dessus de nos têtes comme un nuage et le danger est toujours présent. Le deuxième grand problème était économique, avec l'ampleur de la crise financière et ses conséquences. Le communisme s'est écroulé vers la fin des années 80 et le capitalisme semblait prendre le même chemin au début du XXIe siècle. En une nuit, des milliers de personnes ont tout perdu, y compris leurs économies pour leurs vieux jours ou le petit héritage destiné à leurs enfants. Miraculeusement, l'économie israélienne n'a pour ainsi dire pas été touchée et a très bien survécu à la crise. Voici les deux dangers qui, pensions-nous, représentaient les plus grands périls auxquels nous devions faire face. Or il y a un mois, nous avons découvert que la plus grande menace à laquelle nous sommes en réalité confrontés ne se trouve pas à Téhéran ou dans une institution financière à Paris, Londres, Zürich ou New York, mais dans nos rangs. Il s'agit d'une question éducative, de société et de moralité de tout premier ordre: la haine gratuite, la violence et le meurtre. Jamais notre peuple n'a été confronté à une telle quantité de sang versé gratuitement par et envers des gens de chez nous. Nous sommes en plein Orange mécanique, simplement nous ne sommes pas au cinéma mais bien confrontés à une terrible réalité. Ce qui est terrifiant, c'est le sang-froid avec lequel une telle quantité d'assassinats a été commise en quelques semaines. Je pense à ce père qui a étranglé sa petite fille de 4 ans pour se venger de la mère, son ex-épouse. L'homme n'est ni un alcoolique ni un drogué, il n'a pas été déraciné de son pays, il n'était pas engagé dans une rixe et il n'a pas été provoqué. Il s'agit d'un homme normal, né et élevé en Israël, bref de monsieur tout-le-monde. Or il a préparé son geste de manière méticuleuse étape par étape. C'est là que notre prière «ayez pitié de nous comme un père a pitié de ses fils», que nous disons à Roch Hachanah, prend toute son ampleur et toute son actualité. La bienveillance des parents à l'égard des enfants a de tout temps été le symbole de nos prières. Je n'ai cité que ce cas, mais que dire de ce grand-père qui a assassiné sa petite-fille, Rose Pizam, avec la complicité active ou passive de la mère et qui l'a ensuite jetée emballée dans un sac en nylon dans le fleuve Yarkon ? Le prophète Isaïe (Chap.IL-15) avait prévu cette situation absurde où une mère «oublie» son enfant, mais où toutefois le terme «oublie» signifie clairement «tue» en disant: «Est-ce qu'une femme peut oublier son nourrisson, ne plus aimer le fruit de ses entrailles ? Fût-elle capable d'oublier, moi je ne t'oublie point !». Et il répond qu'une telle éventualité n'est pas admissible au sein du peuple juif. Il nous appelle à réagir. C'est vers ce point précis que nous devons diriger nos prières en ce début d'année, afin que l'Éternel nous donne le courage, la volonté et la clairvoyance de mettre un terme au laisser-aller général qui génère cette violence.
Mais dans ce genre d'affaires, la prière à elle seule ne suffit évidemment pas. Nous devons agir. Il existe bien des démarches pratiques à entreprendre, qui dépendent des autorités politiques et judiciaires. A ce sujet, je voudrais souligner qu'entre le moment du crime et celui du jugement, il y a toujours beaucoup trop de temps qui s'écoule. Lors de la disparition de la petite Rose, le pays retenait son souffle pour savoir ce qui s'était vraiment passé, qui était l'assassin et pour la retrouver. Aujourd'hui, pour ainsi dire personne ne se souvient de son nom. Les punitions doivent être exemplaires et dissuasives. Toutefois, en plus de ces questions techniques et pratiques, nous sommes confrontés à un problème bien plus grave, celui de l'absence totale d'enseignement de la sainteté de la vie et en particulier de la vie d'autrui. Je rappellerai ici que dans le judaïsme, le suicide est un crime. Personne n'a le droit de mettre un terme à sa vie, puisque nous n'en sommes ni les créateurs, ni les propriétaires. Alors comment pouvons-nous nous arroger le droit de toucher à la vie de notre prochain ? A cet égard, je voudrais souligner un manquement grave dans notre enseignement religieux qui concerne l'assassinat d'Abel par Caïn. Ce crime est enseigné de manière furtive ou marginale. Les maîtres du Talmud ont débattu pour savoir quelle était la véritable motivation de Caïn. Certains disent que c'était une question économique (car la moitié du monde ne suffisait pas à Caïn), d'autres pensent qu'il a tué pour une femme, en fait l'une de leurs s?urs. Aujourd'hui, dans certains pubs d'Israël, on assassine aussi pour une femme et ce uniquement parce que l'enseignement de cette expérience traumatisante est pratiquement passée sous silence. Et pourtant, en commettant le premier crime de l'histoire de l'humanité, le premier frère a assassiné 25% du genre humain. A première vue, tout ceci peut sembler être une histoire sans importance, un simple fait divers familial. Mais il faut savoir que cet assassinat a eu des conséquences terribles et qu'aucun descendant de Caïn n'a survécu. Nous descendons tous de Seth, le troisième fils d'Adam et Eve. Nous n'avons donc pas le droit de négliger l'enseignement de la sainteté de la vie, car les conséquences à court, long et moyen terme sont épouvantables.

Ne trouvez-vous pas étonnant qu'une question de base aussi évidente, simple et logique que la sainteté de la vie doive être enseignée ?

Ce qui va sans dire va toujours mieux lorsqu'on le dit. Dans le cas présent, il s'agit de répéter et de répéter encore quelque chose qui, si nous ne le faisons pas, sera perdu à tout jamais. Voyez-vous, l'un des éléments clés des fêtes de Roch Hachanah et de Yom Kipour est le concept de la Teshouvah, de la repentance. Celle-ci n'est possible en ce qui concerne nos fautes commises envers l'Éternel que si nos relations avec notre prochain sont correctes. Or le mépris de la vie humaine constitue une atteinte directe à nos relations avec D' et avec notre prochain. En plus de la question de respect, il y a là un élément qui touche directement à la foi et qui est intimement lié à son amenuisement, pour ne pas dire à l'absence de foi. Il ne fait aucun doute que plus la foi s'éloignera de nous, et ce de génération en génération, plus l'importance de la vie humaine perdra de sa valeur et sera progressivement totalement dévalorisée. C'est Abraham qui est le premier à avoir établi un lien direct entre l'absence de foi et de crainte de D' et le meurtre. Lorsqu'il a été interrogé sur le fait qu'il avait caché que Sarah était son épouse et qu'il l'avait faite passer pour sa s?ur, il a répondu: «?la crainte de D' ne règne pas dans ce pays et ils me tueront à cause de ma femme». (Genèse XX-11)

Comment expliquez-vous que nous en soyons arrivés là ?

Il y a beaucoup de raisons, mais l'une d'elles réside dans le fait que nous vivons dans une société où le voyeurisme n'a plus de limite. La violence est présente partout: dans la presse, au cinéma, sur internet, à la maison avec la télévision, au théâtre et dans la littérature. Les enfants sont en permanence exposés à ce genre d'informations et ceci a une influence directe sur leur façon de penser, de se comporter, de se tenir et d'agir. Afin d'illustrer mes propos, je citerai un exemple issu d'un grand classique du cinéma, Le Parrain 1 et 2. Dans ces films, les jeunes sont nourris de 89 minutes de violence et en fin de compte d'une minute de pseudo-moralité, où l'on explique qu'en «définitive le crime ne paie pas». Mais pendant les autres 89 minutes, tout le monde apprend que pour se débarrasser de quelqu'un d'encombrant ou de dérangeant, il suffit de l'abattre. C'est cela que nos enfants entendent dès leur plus jeune âge. C'est ce comportement que nous retrouvons sur les routes, dans la vie quotidienne et professionnelle.


Vous nous parlez de permissivité dans les médias de tous genres, mais ne pensez-vous pas que celle-ci ne se limite pas exclusivement aux moyens d'information ?

En fait, nous sommes confrontés là à deux questions fondamentales, l'une concerne directement le législateur et l'autre l'éducation. En effet, comment est-il possible que des soirées soient organisées en toute légalité pour des jeunes de 13 ans où l'on sert de l'alcool et souvent de la vodka en petites bouteilles individuelles ? Là, il faudrait sévir sur le plan légal. Mais en ce qui concerne l'éducation, tout est fait pour garantir la «liberté de?», la liberté d'expression, la liberté individuelle, etc. Je pense que nous sommes dans une situation d'urgence et que le temps est venu de mettre un terme aux excès de démocratie dont nous subissons d'ores et déjà les méfaits et les conséquences. Il ne fait aucun doute qu'ils seront catastrophiques pour l'avenir. L'on parle de plus en plus des droits: «droits de l'individu, du citoyen, de la femme, de l'enfant, de l'homme, etc.». Mais qui parle des devoirs ? Ces obligations fondamentales qui hier encore étaient évidentes trouvent leur expression dans des petits gestes quotidiens qui ne sont pas une question de politesse mais de respect, à savoir: se lever dans le bus lorsqu'une personne âgée monte, laisser sa place à une femme enceinte, etc.

Les problèmes que vous venez d'évoquer sont-ils propres à Israël ou concernent-ils également l'ensemble du monde juif ?

Il faut bien comprendre que de nos jours, il n'y a plus de Diaspora. Nous vivons pour ainsi dire dans un «Stettel» global. Aujourd'hui, les relations entre Israël et le reste du monde juif sont profondément mêlées. Dans le temps, il y avait deux entités juives: Israël et les autres pays. Aujourd'hui, ceci a disparu. Sao Paulo, qui vu d'Israël est au bout du monde, est atteignable avec un simple vol EL AL de 15 heures. La vie juive, qui autrefois était confinée derrière le rideau de fer, est facilement accessible et les échanges effectués dans le cadre du judaïsme mondial sont d'une intensité sans précédent, que ce soit sur le plan religieux, académique ou personnel. Par conséquent, tous les problèmes que je viens d'évoquer au sujet de notre société et de l'éducation au respect humain se présentent avec la même gravité et acuité dans l'ensemble du monde juif. Malheureusement, la facilité des communications de notre temps favorise le développement de la violence et du mépris d'autrui partout dans le monde.

Comment cette réalité est-elle liée aux prières des «Yamim Noraïm», les jours redoutables qui marquent le début de l'année juive ?

Afin de nous permettre d'agir et d'être inspirés par nos prières, nous devons comprendre ce que nous disons lorsque nous prions. Par exemple, cette prière «Notre Père - Notre Roi aie pitié de nous, de nos enfants et de nos bébés», qui était compréhensible pendant les persécutions, prend subitement une tout autre valeur. En effet, lorsqu'un père tranquillement assis sur un banc au bord de la mer à Tel-Aviv avec son épouse et sa fille, étudiante en médecine, est assassiné en défendant sa fille et son honneur alors qu'elle est agressée par une bande de voyous alcooliques et probablement antisémites, soudain, les paroles que nous psalmodions, souvent uniquement avec nos lèvres, prennent une signification toute particulière et extrêmement puissante: «Avinou Malkénou Kotveïnou BeSefer Haïm Tovim - Notre Père - Notre Roi, inscris-nous dans le livre de la bonne vie». Ceci est encore plus vrai lorsque nous répétons à maintes et maintes reprises pendant les offices: «Zokherenou LeHaïm - Souviens-toi de nous pour la vie, ô Roi qui aimes tout ce qui a vie, et inscris-nous dans le livre de la vie par ta grâce, D' vivant !». Subitement, nous prions en fonction de notre environnement: la grippe porcine nous guette et des milliers de victimes sont annoncées; l'Iran dirigée par un psychopathe veut nous annihiler totalement et un père assassine son enfant de sang froid. C'est dans cet environnement que nous prions pour la vie, la survie et la bonne vie. Une autre de nos prières les plus solennelles est certes celle où nous disons «qui vivra et qui mourra, qui en son temps et qui avant son temps» et voici que nous apprenons que dans le cadre d'un règlement de compte de la pègre israélienne, un jeune homme innocent de 17 ans est mort d'une balle dans la tête qui était en fait dirigée vers un malfrat. Nos prières ont donc une signification profonde, elles sont d'une actualité brûlante et dépassent de très loin la tradition liturgique. Elles ne sont pas inertes, mais pleines de vie.

En ce début d'année, vous ne semblez pas être d'un grand optimisme, pourquoi ?

C'est exactement le contraire. Nous avons vécu des époques bien plus dures. Nous avons un État juif indépendant et magnifique. La défense, le parlement, la justice, la police et surtout l'éducation sont entre nos mains. Nous avons tout pour réussir mais entretemps, il y a ces problèmes éducatifs, de société et de moralité qui se détériorent. Il ne fait aucun doute que nous les surmonterons, mais à quel prix ? Cela étant dit, il ne faut pas oublier que les miracles font partie des fondements du peuple juif. Ben Gourion a résumé ceci en des termes plus amusants: «c'est parce que je suis réaliste que je crois aux miracles?».

Pour terminer, pouvez-vous nous donner un message particulier de Nouvel An pour les lecteurs de Shalom ?

Nous vivons à une époque où la télécommunication a pris une place prépondérante dans nos vies. S'il est vrai qu'elle peut être le vecteur d'éléments négatifs et source de grands dangers, elle peut aussi être source d'un grand espoir. En effet, elle peut servir de pont entre un Juif qui vit en Europe et un Juif qui vit en Israël. Je souhaite que les lecteurs de Shalom profitent des moyens de télécommunications qui sont à notre disposition pour renforcer leurs liens avec Israël en général et avec la population israélienne en particulier. Qu'ils développent des sentiments d'unité familiale afin que nous puissions nous considérer mutuellement comme étant frères et ce non seulement d'un point de vue juridique, mais aussi de fait. Le temps est venu pour que nous prenions conscience que nous partageons les mêmes problèmes et que nous devons trouver des solutions ensemble. N'oublions pas que nous sommes les enfants d'un seul et même D', mais aussi d'un seul et même homme, car nous sommes les «Bné Israël» - les fils d'Israël, qui était aussi le nom de Jacob. Nous terminons la prière de la bénédiction du mois à venir en disant: «Celui qui a fait des miracles pour nos pères et les a libérés de l'esclavage vers la liberté nous sauvera bientôt et nous réunira tous depuis les quatre coins de la terre; et tout le peuple d'Israël sera ami et dira Amen !». Depuis 60 ans, nous assistons à la réalisation de la première partie de cette prière et nous sommes revenus de 104 pays dans notre ancienne-nouvelle patrie, l'État d'Israël ! La seconde partie, celle de l'amitié générale entre nous, ne s'est pas encore réalisée. Je souhaite qu'ensemble nous puissions voir la concrétisation de cette magnifique prière. Telle est ma bénédiction pour les lecteurs de Shalom et je souhaite que l'Éternel nous inscrive tous dans le livre de la bonne vie pour une excellente année.
Le Shanah Tovah Tikatevou. Amen !


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