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Sommaire Judée-Samarie Printemps 2006 - Pessah 5766

Éditorial
    • Éditorial - Avril 2006 [pdf]

Pessah 5766
    • Liberté et Responsabilité [pdf]

Politique
    • Mirages de l\'unilatéralisme [pdf]

Interview
    • La situation sécuritaire [pdf]
    • Courage et Détermination [pdf]
    • Judaïsme et excellence [pdf]

Judée-Samarie
    • Honte et Espoir [pdf]

Analyse
    • Renaissance du califat ? [pdf]
    • Multiculturalisme et Antisémitisme [pdf]
    • Trop tard ? [pdf]

Reportage
    • Naissance à Jérusalem [pdf]

Recherche scientifique
    • Piquer sans aiguille [pdf]
    • Traces suspectes [pdf]

Art et Culture
    • Le Musée Menahem Begin [pdf]
    • Montparnasse déporté [pdf]

Espagne
    • Jérusalem et Madrid 1986 - 2006 [pdf]
    • Comunidades Judias de España [pdf]
    • Paella cachère ! [pdf]
    • Juif et Basque [pdf]
    • Les Juifs et la littérature contemporaine [pdf]
    • Esther Bendhan [pdf]
    • Museo Sefardi [pdf]

Éthique et Judaïsme
    • Dura Lex - Sed Lex [pdf]

La mémoire courte
    • Les événements du mois d'avril [pdf]

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Honte et Espoir

(Photo: Bethsabée Süssmann)

Par Roland S. Süssmann

Ils vivaient dans des petites maisons coquettes qu'ils avaient construites de leurs mains - pierre par pierre. Ils avaient des jardins où fleurissaient des arbres fruitiers. Ils avaient construit des serres et développé de nouvelles technologies agricoles de pointe. Ils exportaient 75% de la production mondiale des tomates-cerises. On leur avait dit de s'établir là-bas parce qu'ils étaient la crème de la société et qu'il était de leur devoir de s'installer sur la ligne de front du combat pour Israël.
Puis «on» leur a expliqué que leur présence était devenue inutile sur ces terres et qu'ils constituaient un obstacle à la paix. Suite de quoi «ils» ont été expulsés de leurs maisons manu militari et leurs jardins, leurs serres et leurs exploitations agricoles ont été détruits - pierre par pierre. Là où hier la vie juive battait son plein, il n'y a plus aujourd'hui que désert, sable, ronces et désolation. A l'emplacement de la plus grande synagogue, l'université islamique de Gaza construit une mosquée et une madrasa.
«On» les a ensuite transformés en réfugiés de l'intérieur et «on» leur a expliqué que pour le bien du pays, ils devaient abandonner tout ce qu'ils avaient construit depuis 30 ans. Ariel Sharon a fait passer son projet fou d'évacuation unilatérale à la Knesset, qui a entériné l'abandon de terres juives aux Arabes, sans rien prévoir pour reloger correctement les hommes et les femmes qui avaient construit leurs vies à Goush Katif. «Ils» se sont retrouvés dans la rue, avec leurs balluchons, parqués dans des chambres d'hôtels ou dans des tentes provisoires. «Ils» ont touché une indemnité, aucun travail ne leur a été proposé et aucune école n'a été prévue pour accueillir leurs nombreux enfants.
Six mois après l'expulsion des Juifs de Gaza, nous avons voulu savoir ce qu'ils sont devenus. Bien entendu, il nous était impossible de les rencontrer tous, nous avons donc choisi de retrouver une communauté, celle d'Atzmona, dont les membres ont décidé de rester ensemble et de rebâtir une vie en commun. Atzmona est la dernière des agglomérations juives du Goush Katif à avoir été évacuée, pacifiquement, sous l'égide de ses rabbins. Nous avons retrouvé les habitants d'Atzmona dans une zone industrielle transformée en cité de tentes, intitulée «Ihr Ha-Emounah» - terme pouvant être traduit par «cité de la foi» ou «cité de la confiance», dans laquelle vivent aujourd'hui environ 400 adultes et presque autant d'enfants.
En arrivant, la première chose qui frappe, ce sont les habitations jouxtant un dépôt d'ordures. En guise de maisons, on se retrouve face à un certain nombre de caravanes qui, grâce à une simple ruse, ont pu être sauvées de Goush Katif. En effet, quelques jours avant l'évacuation, l'armée est passée dans les différentes agglomérations pour marquer d'une croix noire toutes les maisons devant être détruites. Dès le départ des soldats, les habitants ont rajouté en rouge: «ne doit pas être démoli». Au moment de l'expulsion, les soldats qui devaient détruire ces maisons n'ont, dans un premier temps, pas su que faire face à ces deux ordres contradictoires. Les habitants ont profité de ce flou pour charger les caravanes sur des camions et ainsi les sauver. Mais ce qui nous est apparu bouleversant, c'est l'énorme halle vide où se trouvaient, peu de temps encore avant notre visite, des dizaines de tentes, dont la plus grande accueillait jusqu'à six familles. Il est particulièrement étonnant qu'une vie communautaire effective et globale se soit installée sur ces lieux de fortune et ce sans aucune aide gouvernementale: crèches, jardins d'enfants, école, synagogue, bureaux administratifs, etc. Autre fait particulier, il n'y a pas de chômeur à «Atzmona», chaque personne a trouvé un travail, soit par ses propres moyens, soit avec l'aide des responsables communautaires.
Après le désengagement, le gouvernement ne voulait en aucun cas que cette communauté reste unie et a tout fait pour séparer ses membres, qui se sont opposés à cette démarche. Aujourd'hui, ils ont obtenu du gouvernement d'être relogés dans un nouveau village, Shomriyah, un kibboutz du Hachomer Hatzaïr en perdition. Ses champs ne sont plus labourés depuis longtemps et ses installations d'élevages d'animaux sont sous-louées à d'autres kiboutzim de la région. La cinquantaine de personnes restée sur place a obtenu du gouvernement une indemnité de US$.370'000.- par famille (soit plus du double des évacués de Goush Katif) pour quitter volontairement les lieux et permettre aux habitants d'Atzmona d'y construire une nouvelle agglomération. Shomriyah se trouve aux pieds d'Hébron et progressivement, il est prévu de construire six villages juifs dans la région. Leur présence empêchera toute possibilité de continuité territoriale entre les populations bédouines proches de Beer Sheva et les Arabes des villages entourant Hébron. Ainsi, six mois après leur évacuation, soit le 13 février 2006 (Tou bi-shevath 5766), les habitants d'Atzmona ont posé la première mezouzah sur la porte de la maison de leur rabbin dans le «nouveau Shomriyah». Le leadership d'Atzmona est très dynamique, moins de quinze jours après avoir été expulsés, les réfugiés ont ouvert les premières classes d'école dans leur cité de tentes, accueillant également les élèves des autres villages de Goush Katif qui fréquentaient l'école d'Atzmona avant leur expulsion. Parqués depuis six mois dans des hôtels à Ashkelon, Ashdod et même à Jérusalem, ces enfants se rendent quotidiennement à l'école à Ihr Ha-Emounah.
Afin de nous permettre de comprendre dans quel esprit les dirigeants d'Atzmona ont agi, nous avons interviewé DAVID REICH, que ses amis appellent Doudi.

La première question qui se pose est évidemment de savoir pourquoi vous avez décidé d'ériger cette cité de réfugiés plutôt que de vous installer dans des hôtels, comme le gouvernement vous l'avait proposé ?

Dès que nous nous sommes rendu compte que notre expulsion était devenue inévitable, nous avons pris deux décisions: la première, de continuer à vivre ensemble et de ne pas permettre la dissolution de notre communauté, et la seconde, de créer au plus vite un nouveau cadre de vie permettant à chacun de retrouver le plus rapidement possible un semblant de vie normale. Il faut bien comprendre que chacun d'entre nous a un esprit de pionnier et que nous sommes en permanence à l'affût de nouveaux défis de construction et de développement. Nous pensions pouvoir trouver notre essor à Goush Katif. Tel n'a pas été le cas et aujourd'hui, nous nous retrouvons face à une nouvelle tâche de bâtisseur, celle de construire une nouvelle agglomération importante à Shomriyah, où nous espérons installer dans les cinq ans à venir environ deux mille familles. Il est très important de noter que l'endroit se trouve à l'intérieur de la Ligne verte, si bien que personne ne pourra venir nous expulser sous un prétexte aussi fallacieux que celui qui nous a valu notre expulsion de Goush Katif. Peut-être y en aura-t-il d'autres.
Quant à votre question sur notre refus de nous installer dans des hôtels, les raisons sont très simples. Nous estimons qu'un hôtel ne peut pas constituer une solution à moyen terme et certainement pas à long terme. Étant de toutes les manières confrontés à une situation temporaire, nous avons décidé de nous établir «provisoirement» dans des tentes et des caravanes. Notre présence ici n'a pas été appréciée par le gouvernement, notre situation dramatique lui rappelant en permanence son échec dans l'affaire des expulsions. Je suis certain que si les budgets pour la construction de Shomriyah ont été approuvés si rapidement, c'est notamment pour ne plus voir cette «tache» que constitue notre présence à Ihr Ha-Emounah. Il faut aussi savoir qu'Ariel Sharon a signé les documents nécessaires pour la libération des fonds requis au cours du dernier conseil des ministres auquel il a assisté. Le soir même, il a eu son attaque cérébrale grave.

Comment étaient les relations avec les soldats et les policiers venus vous expulser ?

Nous n'avions aucune intention de les combattre violemment. Par contre, nous savions que certains d'entre eux exécutaient un ordre contre nature. Leurs supérieurs leur avaient demandé d'évacuer des familles juives et non pas les familles de terroristes qui s'étaient fait exploser.
Nous savons qu'aujourd'hui encore, des soldats et des policiers ayant participé à l'évacuation de Yamit il y a plus de 25 ans ne s'en sont jamais remis. Il en sera probablement de même pour une partie des membres des forces d'expulsion de Goush Katif. Il faut aussi savoir que nous entretenions une relation particulière avec l'armée. Nous connaissions tous les jeunes qui faisaient leur service militaire dans notre région, nous les recevions tous chez nous comme des membres de nos familles et par conséquent, nous étions aussi quelque part désolés qu'une telle tâche leur soit imposée.

Avant de nous parler de vos projets d'avenir de manière plus précise, pouvez-vous nous parler du déroulement de la première nuit, lorsque vous avez débarqué des autobus qui vous ont amenés de Goush Katif à Ihr Ha-Emounah ?

Quelques jours avant l'évacuation, nous avions mis en place des habitations de fortune, chaque famille avait reçu un espace vital de 45m2. En sortant des bus, vers huit heures du soir, quelle ne fut pas notre surprise de constater que les habitants des villages environnants nous avaient préparé une réception de bienvenue dotée d'un riche buffet. L'une des personnes qui nous a accueillis m'a dit, plus tard: «Lorsque nous vous avons vu descendre des bus, nous croyions assister à la sortie d'Égypte. Tout était mélangé, parents, enfants, paquets, valises, etc. Vous aviez tous l'air de zombies qui ne réalisaient pas tout à fait ce qui leur arrivait. Nous voulions au moins, qu'après avoir subi le choc que vous veniez de vivre, vous gardiez un bon souvenir de notre accueil». Nous leur en serons éternellement reconnaissants.

Vous dites avoir un esprit de pionniers. Or la région où vous allez vous installer est déjà habitée, bien que vous alliez y établir de nouvelles constructions et un tout nouveau centre de vie. Toutefois, la question se pose de savoir pourquoi vous n'avez pas transposé votre action pionnière en Judée ou en Samarie ?

La loi nous l'interdisait. Si nous voulions toucher nos indemnités, nous devions nous engager à ne pas nous installer en tant que communauté dans un endroit situé dans l'une de ces régions. Cela était possible à titre individuel, mais il était formellement interdit d'établir une nouvelle communauté ou même de s'intégrer massivement dans une agglomération existante. Le gouvernement n'aurait simplement pas délivré de permis de construire. Cela dit, nous avons vécu des temps difficiles, mais notre esprit de combativité, notre soif de construire le pays n'ont en rien été ébranlées. Aujourd'hui, nous sommes face à un nouveau défi, notre devoir est de le relever et de l'accomplir avec succès. Hier à Goush Katif, demain à Shomriyah, après-demain peut-être ailleurs. Shomriyah va devenir le centre principal des six villages qui vont être construits, car c'est ici que se déroulera toute l'activité scolaire et administrative de la région. Tous les plans de reconstruction des installations agricoles que nous avions à Goush Katif sont déjà faits et progressivement, nous allons rétablir notre vie d'antan.

Lorsque j'ai quitté les hommes et les femmes d'Atzmona, les paroles du discours du général De Gaulle prononcées à Paris le 25 août 1944 me sont revenues à l'esprit: «Paris outragée, Paris brisée, Paris martyrisée ! . bien résolue et plus certaine que jamais de ses devoirs et de ses droits». Certes, les circonstances ne sont pas comparables et cette citation ne peut être paraphrasée dans sa totalité, mais les hommes, les femmes et les enfants de Goush Katif qui, il y a quelques mois ont à leur tour été «brisés et outragés», sont aujourd'hui «bien résolus et plus certains que jamais de leurs devoirs et de leurs droits» en ce qui concerne le combat qu'ils mènent quotidiennement pour Eretz Israël, son peuplement et sa survie.


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