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Sommaire Antisémitisme Automne 2000 - Tishri 5761

Éditorial - Automne 2000
    • Éditorial

Roch Hachanah 5761
    • L'Humilité

Politique
    • Barak – Quitte ou double

Interview
    • Moshé Katsav Président !
    • Ma vie pour Israël

Reportage
    • Aux portes du Liban

Lettonie
    • Jérusalem et les républiques Baltes
    • «Notke» - «Riga un Latvijas Virsrabins»
    • Juif à Riga
    • Riga – Hier – Aujourd’hui – Demain
    •  «Post tenebras… lux»
    • Le Centre d’Études juives de Riga
    • Une tentative d’autobiographie
    • Le Musée juif de Riga

Suède
    • Jérusalem et Stockholm
    • «Judiska Museet I Stockholm»

Antisémitisme
    • Haine sur internet
    • Sachsenhausen

Éducation
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Recherche scientifique
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    • Des champignons pour la vie

Art et Culture
    • Le centre d'histoire juive de manhattan

Éthique et Judaïsme
    • Charité et Indépendance financière

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Haine sur internet

Par Mark Weitzman *
Simon Wiesenthal a dit un jour: «La haine combinée à la technologie représente l’un des plus grands dangers pour l'humanité.» Or nous avons assisté au cours de la dernière décennie du XXe siècle à une explosion technologique qui va se poursuivre dans le nouveau millénaire, particulièrement dans le domaine de la communication électronique; parallèlement, la haine, hélas, s'est empressée de prendre le train de l'Internet et tire profit de ce véhicule inespéré. De nombreux adeptes de l'Internet ne veulent voir que ses bienfaits mais la réalité est tout autre. L'accès à une communication mondiale bon marché et instantanée, pratiquement irrépressible et permettant la diffusion sans exposition personnelle, dans l'anonymat le plus complet, a donné un sentiment de toute-puissance à des individus membres de groupes extrémistes. Sans quitter la maison, ils se sont trouvés reliés électroniquement à travers le globe, leur donnant l'illusion de faire partie d’un mouvement international, ce qui a conduit à une augmentation notable du nombre d'adeptes à ce type de groupes subversifs.
Lorsqu’au Centre Simon Wiesenthal, nous avons commencé à surveiller les sites extrémistes sur Internet il y a cinq ans, nous suivions moins d'une dizaine de sites. Aujourd'hui, nous en avons plus de 2000 dans le collimateur, considérés comme extrémistes en raison de la haine radicale et du fanatisme religieux de leur message.
Un des sites les plus anciens, et aussi un des plus ambitieux, est Stormfront, de Don Black. Black est connu de longue date pour ses liens avec des groupes néo-nazis (il est le successeur de David Duke dans le Klan d'Alabama). En 1995, Strormfront avait trois liaisons avec d'autres sites, aujourd'hui il est relié à près de 100 autres sites, dans la catégorie de Nationalisme blanc/Patriotisme blanc, Eugénique, Campagnes politiques, Révisionnisme (négation de l'Holocauste), Identité chrétienne, Ku Klux Klan, Skinheads, Musique du Pouvoir blanc, etc. Nationalisme blanc et Patriotisme blanc sont définis par Black comme des sites dont «l'objectif principal est l'établissement d'une Nation ou d'une communauté blanche séparée». On compte dans cette catégorie quelques-uns des groupes les plus extrémistes et les plus militants, par exemple World Church of the Creator (Église universelle du Créateur) et Alliance nationale.
L’Église universelle du Créateur est dirigée par son Pontifex Maximus (terme latin désignant le grand prêtre des rois romains), Matt Hale, un étudiant d'une vingtaine d'années vivant à East Peoria, dans l'Illinois. Hale a repris les rênes d'un groupe pratiquement moribond et en a fait un des sites extrémistes à la plus forte expansion sur Internet. Les fondateurs de cette pseudo-religion affirment qu'ils ont établi Creativity (Créativité) «pour la survie, le développement et le progrès de notre race blanche exclusivement» et qu'elle est engagée dans la lutte contre «le gouvernement juif d'occupation des États-Unis». On trouve de la propagande supplémentaire par le biais de hyperliens aux versions en ligne de Mein Kampf d'Adolf Hitler et du Protocole des Sages de Sion.
Alliance nationale est un des groupes néo-nazis les plus vils et les plus dangereux des États-Unis. Il est dirigé par William Pierce, docteur en physique, qui a quitté l'université pour se consacrer à plein temps au nazisme. Il est l'auteur du fameux Turner Diaries, publié sous le pseudonyme de Andrew MacDonald. Le site accorde un espace bien en évidence à l'article intitulé «Qui gouverne l'Amérique ?», dont voici un extrait: «Lorsque nous saisissons et comprenons la réalité du contrôle des médias par les Juifs, nous ne pouvons plus échapper au devoir qui est le nôtre: faire tout ce qui est nécessaire pour combattre ce pouvoir néfaste qui serre notre peuple de son étreinte mortelle et injecte son poison dans les esprits et dans les âmes. Si nous ne réussissons pas à l’anéantir, c'est lui qui détruira notre race assurément.» Ce langage, qui rappelle celui de Mein Kampf, est représentatif de la philosophie perverse de William Pierce et d'Alliance nationale.
Un autre site qui mérite d'être distingué dans cette catégorie contient des articles de Louis Beam, lui aussi extrémiste de longue date et l’un des fondateurs du mouvement de miliciens. Beam a des relations étroites avec le Klan et avec Nations aryennes, qui l'a même nommé ambassadeur extraordinaire de son organisation. Il est l'auteur de l'important article «Leaderless Resistance» (Résistance sans dirigeant). Publié à l'origine en 1992 et désormais accessible en ligne, il décrit les meilleures façons de lutter contre le système, en créant ce qu'il appelle de «très petites cellules de résistance, composées parfois d'un homme seulement». Ce fut en fait le modèle adopté par Timothy McVeigh, l'homme responsable de l'attentat à la bombe à Oklahoma City en avril 1995. Beam n'hésite d'ailleurs pas à rendre le gouvernement américain responsable de cet acte terroriste. Les écrits de Beam et de Pierce sont particulièrement importants pour les extrémistes qui se considèrent en état de guerre avec le gouvernement américain (qu'ils appellent ZOG, acronyme de Zionist Occupational Government) - et ils sont nombreux.
Les observateurs qui suivent l'évolution des groupes extrémistes ont pu constater que la «religion», connue sous le nom d'Identité chrétienne, apparaît de plus en plus clairement comme étant une force d’incitation à la haine pour des groupes marginaux. Sur la page domestique de Nations aryennes, figure le credo du mouvement Identité chrétienne: «Nous croyons que les véritables enfants de la Bible, au sens littéral, sont les douze tribus d'Israël, disséminées à travers le monde et qui sont de nos jours le peuple anglo-saxon, le peuple germain et teuton, le peuple scandinave et le peuple celte… Nous croyons qu'il y a littéralement des enfants de Satan dans le monde d'aujourd'hui. Ces enfants sont les descendants de Caïn, qui fut issu du péché originel d'Eve, sa séduction physique par Satan.» Et plus loin: «Nous savons qu'à cause de ce péché, il y a une lutte et une hostilité naturelles entre les enfants de Satan et les enfants du D’ Très Élevé. … Ainsi se livre aujourd'hui une bataille entre les Enfants des Ténèbres (de nos jours les Juifs) et les Enfants de Lumière (le D’ éternel), la Race aryenne, le Verus Israël de la Bible.»
De cet exégèse biblique du racisme découle une justification de la guerre sainte raciale (RAHOWA, acronyme de racial holy war apparaissant fréquemment dans les écrits extrémistes). «Nous croyons que le Juif cananéen est l'ennemi naturel de notre race aryenne (blanche). Ceci est attesté par les Écritures et par toute l'histoire séculière. Le Juif est semblable à un virus destructeur qui attaque notre corps racial pour détruire notre culture aryenne et la pureté de notre race.» On remarquera la similitude frappante avec la terminologie hitlérienne.
Pour les adeptes d'Identité, cette bataille a déjà commencé. La page domestique citée ci-dessus contient également des documents incluant une Déclaration d'Indépendance datant du 12 mars 1996 et stipulant que «le peuple aryen en Amérique est de droit une nation libre et indépendante, [et] il doit être dispensé de toute allégeance aux États-Unis d'Amérique».
L'antisémitisme apparaît également sous la forme d'éducation en ligne. Des sites de négation de l'Holocauste ou sites révisionnistes sont aisément accessibles. David Irving a son propre site sur lequel il édite un bulletin et des publications diverses; au cours du procès pour diffamation qui lui a été intenté à Londres, il a publié un rapport quotidien sur le web. Il a réagi au verdict (en sa défaveur) par un seul mot: «Ouch !» (Aïe). L'Institut de Révision historique, centre mondial des négationnistes, possède un site fort élaboré qui permet la lecture en ligne des articles du «Journal of Historical Review» (la revue pseudo-scientifique de l'Institut). Les responsables ont beau nier continuellement toute motivation antisémite, le matériel figurant sur ces sites illustre fort bien la pensée de ces soi-disant érudits.
Les liaisons offertes sur le site de Stormfront ne représentent qu'un échantillon des sites extrémistes et ne couvrent pas chaque catégorie. Les sites Milices (également appelés Patriotes) en sont un exemple. La majorité de ces groupes affirment ne pas être racistes ni antisémites, leurs membres ayant adhéré non pas en raison de préjugés raciaux mais en fonction de leur sentiment d'aliénation vis-à-vis du gouvernement et de la société. Cela dit, il existe un noyau formé par les fondateurs du mouvement qui est extrémiste et tente par tous les moyens de manipuler les gens et de déstabiliser la société.
Il faut encore mentionner d'autres formes d'extrémisme sur le réseau. Ainsi, dans une étude récente, j'ai découvert que près de 50 sites, la plupart édités par un groupe fondamentaliste protestant, publient du matériel anti-catholique, allant parfois jusqu'à accuser l'Église catholique d'être un foyer de perversions sexuelles et de satanisme et de comploter pour prendre le pouvoir aux États-Unis.
Certains estiment que l'Internet doit être totalement ouvert à toute forme de discours, sans limitation, même celle de sa propre déclaration d'indépendance. Les discours du type décrit ci-dessus sont simplement le prix à payer pour la liberté de parole, disent-ils. D'autres, comme le gouvernement allemand, ont tenté d'imposer leur propre censure sur le réseau, bloquant le discours raciste et poursuivant en justice ceux qui le diffusent en Allemagne. Les deux approches sont controversées et problématiques. Le Centre Simon Wiesenthal a tenté une voie médiane, qui éviterait à la fois la diffusion de la haine et l'exercice de la censure. Il s'agit d'une approche faisant appel à la responsabilité. Nous sommes persuadés que si parents, éducateurs et consommateurs font clairement entendre leur réprobation aux fournisseurs d'accès offrant aux extrémistes de l'espace sur leurs pages du réseau, cela créera une pression légale qui finira par marginaliser les voix de la haine.
Il est évident que l'Internet peut jouer un rôle extrêmement positif; c'est un outil de communication et d'éducation offrant une opportunité sans précédent, capable de toucher des millions de gens à travers le monde. Au Centre Simon Wiesenthal, nous avons tenté d'exploiter cette opportunité en créant un Centre d'enseignement en ligne (motlc.wiesenthal.com). Le site contient la plus grande compilation de textes et d'images sur l'Holocauste accessible sur le réseau. Il comprend un centre de documentation, des expositions virtuelles et l'accès en ligne aux équipes de recherche et d'éducation du Centre. Les dangers et les promesses de l'Internet devraient nous inciter à participer au dialogue entre fournisseurs techniques, parents, éducateurs, législateurs et diplomates. Tous peuvent apporter leur contribution à la quête permanente d'un comportement en ligne qui sache exploiter les côtés positifs de l'outil tout en protégeant la jeunesse vulnérable des manipulations exercées sur le réseau par des fanatiques.

*Mark Weitzman dirige la task force du Centre Simon Wiesenthal contre la diffusion de la haine.

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