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Sommaire Analyse Printemps 1996 - Pessah 5756

Éditorial - Avril 1996
    • Éditorial

Pessah 5756
    • Une fabuleuse leçon d'espoir

Interview Exclusive
    • Israel à la croisée des chemins

Terrorisme
    • Accords d'Oslo - Sang et Larmes

Politique
    • Des attentats - des élections

Analyse
    • Le point de vue de S.E.M. Meïr Rosenne
    • Les Juifs dans la nouvelle Afrique du Sud
    • Recette pour un désastre

Judée - Samarie - Gaza
    • Hébron - Berceau du peuple juif

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Le point de vue de S.E.M. Meïr Rosenne

Par Roland S. Süssmann

Israël est engagé dans une négociation fondamentale avec la Syrie. Parallèlement, la concrétisation des engagements palestiniens pose de nombreux problèmes. Nous avons demandé à S.E.M. Meïr Rosenne, ancien conseiller juridique de Menahem Begin à Camp David puis successivement ambassadeur d'Israël à Washington et à Paris, d'analyser pour nous ces deux aspects du processus dit "de paix" actuellement en cours.


Les négociations actuelles avec les Syriens et les Palestiniens sont de nature à déterminer le sort et l'avenir de l'Etat d'Israël et, dans une large mesure, la qualité de vie des citoyens israéliens pour les prochaines décennies. Par conséquent, pensez-vous que le processus en cours puisse mettre en danger la survie même de l'Etat ?

Je crois qu'Israël est assez fort pour que l'existence même du pays ne soit pas en danger. Mais en tant que Juifs et avec l'expérience que nous avons, nous savons très bien que rien n'est garanti pour l'éternité. De plus, nous sommes très conscients des progrès survenus dans le monde arabe en ce qui concerne les armes non-conventionnelles. Les négociations en cours entre les Nations Unies et l'Iraq apportent quotidiennement la preuve que les dangers qui nous menaçaient lors de la Guerre du Golfe étaient en fait bien plus sérieux que nous ne le pensions. En raison de sa situation particulière et de son histoire, il est donc primordial qu'Israël s'assure que, dans chaque négociation, toutes les mesures soient prises afin d'assurer la survie de l'Etat.


Estimez-vous que dans le cadre des Accords d'Oslo, ces mesures ont véritablement été prises ?

Les Accords d'Oslo engagent aussi bien les Israéliens que les Palestiniens. Or ce qui compte aujourd'hui, ce n'est pas tant le fait d'analyser les textes des accords, mais plutôt la manière dont ces derniers soient respectés. A l'heure actuelle, il est par exemple inutile de disséquer les différentes closes de ces accords afin de connaître exactement les engagements pris par Israël concernant Jérusalem ou le dangereux droit de retour des Palestiniens. Ce qu'il faut impérativement faire, c'est s'assurer que les engagements pris par l'autre partie sont respectés à la lettre. C'est la raison pour laquelle je suis très inquiet, notamment suite aux récentes déclarations de l'OLP et d'Arafat quant à l'annulation de la Charte palestinienne qui prévoit la liquidation de l'Etat d'Israël. Rappelons que cette charte a été adoptée en 1964, soit trois ans avant la Guerre des Six Jours, par conséquent avant qu'Israël ne soit contraint d'administrer les territoires. Les points de la charte ne concernent donc pas les territoires, mais bien tout Israël. Il faut aussi se rendre à l'évidence que cet engagement d'annuler la charte a déjà été pris à trois reprises, mais jamais mis en ýuvre. La charte stipule clairement que pour être amendée, il faut qu'une majorité des deux tiers du Conseil palestinien accepte ces changements, ce qui semble difficile. De plus, selon certaines rumeurs, l'OLP exigerait en échange de cette révocation qu'Israël s'engage à reconnaître la création d'un Etat palestinien avec Jérusalem pour capitale, mais ces points n'ont jamais été mentionnés dans les Accords d'Oslo. Il est inconcevable qu'un Gouvernement israélien de gauche ou de droite accepte d'acheter la même marchandise trois fois, et ce à un prix chaque fois supérieur au précédent.


En ce qui concerne l'application des accords sur le terrain, en particulier le fait que l'OLP laisse les terroristes vivre librement et en toute impunité dans les zones autonomes, comment voyez-vous l'évolution de la situation ?

Dans les Accords d'Oslo, Israël a accepté que des malfaiteurs, des criminels ou des terroristes puissent commettre leurs crimes en territoire israélien et se réfugier dans les zones autonomes. Or dans ces mêmes accords, il est prévu que l'autorité palestinienne s'engage à extrader les criminels ayant commis des méfaits en Israël ou, à défaut, de les passer en jugement dans la zone autonome même. Après la mort de Abou Ayash, les manifestations autorisées qui se sont déroulées dans la Bande de Gaza, ainsi que les condoléances exprimées par Arafat, ont bien démontré la connivence entre l'autorité palestinienne et les terroristes. Avant les élections palestiniennes, Arafat disait qu'il n'avait pas le pouvoir nécessaire pour agir. Mais après avoir été élu avec une majorité de 80%, il dispose de cette autorité nécessaire et, s'il n'extrade pas les terroristes, c'est bien parce qu'il n'a pas la volonté politique de le faire. Cette absence de volonté constitue un élément d'inquiétude supplémentaire quant à l'avenir et à la sécurité. Je dois dire que les Accords d'Oslo ont été très rapidement violés. L'activité palestinienne dans le cadre de l'"Orient House" à Jérusalem en est un exemple flagrant. L'engagement palestinien de ne tenir de négociations internationales avec des délégations étrangères qu'à Jéricho ou à Gaza est complètement ignoré. D'ailleurs, tout ministre des Affaires étrangères qui se rend en Israël se sent obligé de faire un "pèlerinage" à l'Orient House.


Comment pensez-vous que les négociations se développeront avec la Syrie ?

Malheureusement, l'impression créée dans le monde est qu'Israël a bien plus besoin de paix que la Syrie et que si cette dernière accepte de signer la paix avec Israël, elle lui fera une faveur, ce qui est bien évidemment totalement faux. Quant au contexte de la négociation, il y a un certain nombre d'éléments qu'il faut comprendre. Le fait que le secrétaire d'Etat américain se soit rendu dix-sept ou dix-huit fois à Damas alors qu'il n'est allé que sept ou huit fois à Londres et à Moscou, constitue pour Assad une indéniable preuve de la faiblesse occidentale. Il faut bien se rendre compte que l'enjeu n'est pas uniquement le caractère des rapports qu'Israël entretiendra avec la Syrie, mais également le prestige des Etats-Unis. D'ailleurs, les rencontres d'Assad avec des présidents américains se sont toujours déroulées à sa demande à Genève, où les présidents Carter, Bush et Clinton sont venus l'y retrouver. Lors de la rencontre Clinton-Assad du 17 janvier 1994, le président Clinton voulait obtenir d'Assad une déclaration contre le terrorisme, qu'il n'a pas obtenue. Il faut bien comprendre qu'Assad ne négocie pas avec Israël, mais avec les Etats-Unis. Il a clairement laissé entendre qu'il n'est prêt à aucune concession, l'un de ses buts étant d'humilier aussi bien Israël que les Etats-Unis. Cela dit, il ne faut pas oublier qu'Assad s'était rendu à la Conférence de Madrid sans avoir reçu d'assurances israéliennes au préalable. Aujourd'hui, il désire obtenir le retour d'Israël aux frontières du 4 juin 1967. Mais avant d'entrer en négociation sur le Golan, le Gouvernement israélien aurait dû exiger comme préalable la fin de l'ensemble des opérations du Hezbollah au Liban. En 1976, à la demande des Etats-Unis, Israël avait accepté l'installation de troupes syriennes au Liban. A l'époque, Israël espérait que la présence syrienne garantirait la sécurité de la frontière nord d'Israël. Aujourd'hui plus que jamais, il s'avère que le Hezbollah, qui est à la solde de la Syrie et de l'Iran, agit en toute impunité. La question se pose donc de savoir si oui ou non Assad est à même de contrôler le Hezbollah. Si tel est le cas, il doit agir et démontrer sa bonne volonté, sinon est-il vraiment nécessaire de négocier avec lui puisqu'un accord signé de sa main a peu de chances d'être effectivement appliqué ? A cela s'ajoute le fait que les neuf organisations arabes opposées à toute forme de processus de paix au Moyen-Orient ont leurs bases à Damas. Enfin, avant toute signature avec la Syrie, il faut exiger des informations sur Ron Arad qui est certainement vivant et toujours entre les mains des Syriens.


Pensez-vous que la population israélienne est actuellement disposée à prendre des risques face à la Syrie ?

Contrairement à ce que l'on dit, Israël n'est pas divisé sur la question de la paix. Il n'existe pas de famille en Israël qui n'ait pas été touchée d'une manière ou d'une autre par des actes de terrorisme ou par les guerres, sans parler de la Shoa. Tout Israélien, tout Juif désire une paix véritable et viable; dire qu'en Israël il y a un "camp de la paix" et un "camp de la guerre" est totalement faux. Les prochaines élections devront établir de manière démocratique quel est le souhait profond de la population. Est-elle prête, ainsi que le propose la plate-forme du Parti travailliste, à accepter un retrait du Golan, ou au contraire souhaite-t-elle arriver à des arrangements qui garantiraient la sécurité d'Israël avec une présence israélienne sur le Golan ? Comme toujours à la veille des élections, de nombreuses déclarations et promesses seront faites de part et d'autre, mais bien évidemment nous n'avons aucune garantie que celles-ci soient tenues. L'avancement des élections a pour but de donner aux dirigeants une majorité politique plus importante que celle dont ils disposent aujourd'hui. Je ne pense pas que cet avancement soit motivé par les négociations avec la Syrie ou même par l'assassinat du premier ministre, mais plutôt par le fait qu'Israël se trouve à la veille de prendre des décisions historiques et que des élections s'imposent. En tant que démocratie, il est important que le gouvernement, qui négocie le sort du pays, puisse s'appuyer sur une large base politique.


Vous avez été l'un des grands négociateurs des Accords de Camp David. Pensez-vous que ces accords et ceux d'Oslo sont comparables ?

Tout d'abord, je crois qu'il faut rectifier un certain nombre de fausses informations. Par exemple, lorsque l'on dit que dans les Accords de Camp David, Israël s'est engagé à accepter un Etat palestinien, c'est absolument faux. On prétend encore que dans le cadre de ces accords, Israël a pris l'engagement que dans toute négociation ou dans tous les futurs traités qu'il signera, il se conformera à l'exemple des Accords de Camp David, ce qui est aussi totalement faux. Il est dit textuellement que selon le cas, cet accord pourrait servir d'exemple. Il est évident que lorsque l'on négocie au sujet du Golan, on ne peut pas comparer la situation avec celle du Sinaï dont la superficie fait quatre fois celle d'Israël. Dans les Accords de Camp David, aucun paragraphe ne traite de Jérusalem, mais il est vrai que les accords sont accompagnés de trois lettres signées respectivement par MM. Begin, Sadate et Carter, où chacun définit sa position sur la ville. Or aujourd'hui, nous avons deux accords, l'un avec l'OLP et l'autre avec la Jordanie, dans lesquels le Gouvernement israélien s'est engagé à négocier sur le statut de Jérusalem. Dans les Accords de Camp David, nous avons signé un traité de paix avec un Etat souverain, l'Egypte, alors que ceux d'Oslo ont été signés avec une organisation qui n'a pas de statut juridique international comparable à un statut d'Etat.


En conclusion, êtes-vous plutôt optimiste ou inquiet ?

Je citerai David Ben Gourion qui disait que "celui qui, en Israël, ne croit pas au miracle, n'est pas réaliste". Cela dit, en tant que réaliste, je constate que les violations qui ont eu lieu du côté palestinien sont d'une telle nature que même ceux qui sont prêts à de très importants compromis ne peuvent plus les ignorer ou les accepter. C'est la raison pour laquelle je crois qu'en ce qui concerne la modification de la charte, élément se trouvant aujourd'hui au centre du discours de tous les hommes politiques israéliens, il est évident que dans la mesure où l'OLP ne procède pas à un changement radical de celle-ci ou si elle tente de trouver des subterfuges pour échapper à cette obligation, je ne vois pas comment le processus actuel pourrait se poursuivre. Il en est de même en ce qui concerne l'extradition des terroristes qui sont actuellement dans les zones autonomes. Le fait qu'ils ne soient même pas arrêtés ne peut rester impuni et sans conséquences.


En tant qu'homme de loi, ne pensez-vous pas que le premier terroriste qui devrait être arrêté est Yasser Arafat ?

Je vous répondrai en citant certains rapports de presse qui disent que notre premier ministre M. Shimon Peres aurait déclaré le 8 février dernier que "dans la mesure où Arafat n'est pas à même de tenir ses engagements, peut-être devrait-il être remplacé..."

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