News Numéro courant Sondage: résultats Recherche Archives Deutsch English Русский עברית Español


Sommaire Éthique et Judaïsme Automne 1995 - Tishri 5756

Éditorial - Septembre 1995
    • Éditorial

Roch Hachanah 5756
    • L'an prochain à ... ?

Politique
    • Un dernier tour de piste
    • Action - Exemplarité - Persévérance

Interview
    • Illusions - Réalités - Dangers
    • La croix et la Loi

Analyse
    • Le second partage de la Palestine
    • Pourparlers de paix - Préparatifs de guerre

Judée-Samarie-Gaza
    • Prévenir - Protéger - Sauver
    • Halte à Bat Ayin

Art et Culture
    • L'Inde à Jérusalem
    • Jérusalem - 3000 ans d'histoire
    • Béla Czobel (1883-1976)

Économie
    • Israël - Paradis fiscal ?

Éthique et Judaïsme
    • La responsabilité de l'éducation

Envoyer par e-mail...
La responsabilité de l'éducation

Par le Rabbin Shabtai A. Rappoport *
Les enfants de P. étaient déjà adultes et avaient fondé leur propre foyer lorsque P. s'établit dans une nouvelle communauté. Au début, il ne s'intéressa donc pas particulièrement au système éducatif juif local. Toutefois, il n'était pas satisfait de la situation. Il voyait les jeunes garçons accompagnant leurs parents à la synagogue et il jugeait insuffisants leur attachement aux valeurs juives et leur compréhension de la Torah. Il en parla discrètement aux membres plus âgés de la communauté mais se rendit rapidement compte de l'absence de dévouement véritable à la cause de l'éducation et du peu d'enthousiasme manifesté tant par l'administration de l'école que par les enseignants. Les bons professeurs sont rares; le zèle et les ressources nécessaires pour une surveillance suivie de la qualité de l'enseignement faisaient tout simplement défaut.
P. était persuadé que ses talents administratifs lui permettraient d'améliorer singulièrement la qualité de l'enseignement dans sa communauté. Il était toutefois conscient qu'une tentative de modifier le système serait mal vue par les gens et risquerait d'être perçue comme une façon indirecte de soigner sa propre image publique. Après tout, il n'était pas parent d'élève et la situation du système éducatif n'était pas son affaire. De surcroît, P. s'était toujours tenu éloigné de la politique communautaire et avait quelques réticences à faire irruption dans l'establishment en place. Etait-ce vraiment de son devoir de s'agiter pour être nommé au conseil d'éducation, de consacrer des heures précieuses à tenter d'insuffler vigueur et initiative au système, tout en affrontant le ressentiment de ses collègues ?
Dans le Midrach qui porte son nom (Tan'houma Emor, par. X), rabbi Tan'houma interprète les paroles de D' dans Job XLI,3 (traduites selon l'interprétation de nos Sages): "Qui est venu au- devant de moi que j'aie à payer de retour ?" comme se référant à un célibataire qui "vient au-devant" de D' en participant aux frais d'entretien de l'école communautaire, bien que D' ne lui ait pas encore donné une famille. D' lui promet de le récompenser en lui donnant des enfants. A première vue, on pourrait croire que la tâche qui consiste à subventionner et améliorer une institution éducative n'incombe pas à une personne qui n'en fait pas usage. Celui qui participe malgré tout à cette entreprise "vient au-devant de D'", mais il est évident que ce n'est pas le lot de chacun.
Maïmonide stipule (dans "Lois sur l'enseignement de la Torah", chap. II,1) que toute communauté est tenue d'établir des institutions d'enseignement et si elle ne le fait pas, tous les Juifs doivent excommunier les membres de cette communauté. Au cas où ils s'obstinent et refusent d'assurer une éducation digne de ce nom à leurs enfants, cette communauté doit être détruite. Pour justifier la sévérité de cette loi, Maimonide rappelle que le monde entier n'existe qu'en vertu des jeunes enfants étudiant la Torah. Une communauté dépourvue d'un système éducatif de qualité est une source de danger pour la nation et partant, pour le monde entier. Puisque la loi requiert l'intervention d'étrangers dans le cas d'une communauté indifférente, il en découle que l'éducation des enfants n'est pas uniquement le devoir des parents mais également celui de l'ensemble de la communauté et même de la nation. Il n'en reste pas moins que la nature précise des devoirs de l'individu dans le cadre de la responsabilité collective doit encore être déterminée.
Dans ses "Lois sur l'assistance aux Pauvres" (chap. VII), Maïmonide déclare que le devoir de subvenir aux besoins du pauvre "autant qu'il est requis, dans les limites des ressources du donneur" est un commandement biblique. Discutant le terme "ressources du donneur", il estime qu'il se réfère à un maximum d'un cinquième de son capital et d'un dixième de ses revenus - toute somme inférieure étant qualifiée de mesquinerie. La limite maximale est explicitée de façon fort avisée dans les "Lois sur les Valeurs" (chap. VIII,13) : "quiconque dépasse sa limite... ce n'est plus de la philanthropie mais de la folie, car il perdra ainsi tous ses biens et deviendra lui-même un mendiant." Dans la mesure où la règle s'applique à tous les Juifs, qu'ils soient plus ou moins fortunés, il semble que chacun est à même de réduire son niveau de vie d'un cinquième, toute réduction supplémentaire étant contre- indiquée. En effet, indépendamment de sa richesse, un individu qui donne plus d'un cinquième de son capital finira sans doute par vivre au-dessus de ses moyens, et par conséquent, à "perdre tous ses biens".
Cependant, dans le chap. IX des "Lois sur l'assistance aux Pauvres", dans lequel Maïmonide établit les règles concernant le devoir de charité de la communauté, il ne fixe aucune limite concernant les ressources, tant que le fardeau est équitablement partagé entre ses membres. Il est vrai que la communauté doit pourvoir uniquement aux besoins élémentaires des personnes indigentes mais elle est tenue de le faire même au prix d'une grande partie des biens des membres. Il en découle qu'on exige de la communauté d'obtenir un résultat plutôt que d'accomplir un effort, ce qui est l'obligation de l'individu.
Le même raisonnement - l'obligation de la communauté de mener un projet à bonne fin versus le devoir de l'individu de faire un effort - s'applique à l'éducation. Tout Juif est tenu d'enseigner la Torah à ses enfants lui-même s'il en est capable, ou en louant les services d'un maître compétent - dans les limites de ses ressources. Mais une communauté doit créer et maintenir un système éducatif optimal, même au prix d'énormes dépenses. D'après les "Lois sur l'enseignement de la Torah" de Maïmonide, il est clair que l'excellence en éducation est pour tout Juif un besoin élémentaire, auquel la communauté doit pourvoir.
Dans ses Responsa (chap. VII), rabbi Yehouda Ben Eliezer Mintz (XVe siècle) stipule qu'une minorité des membres d'une communauté, ou même un seul individu, peut obliger l'ensemble de la communauté à couvrir des dépenses jugées nécessaires selon la loi juive. Ce droit de l'individu découle forcément de sa responsabilité légale vis-à-vis de la communauté - qui consiste notamment dans le devoir de la construire sur les fondements requis par la Torah. Cette responsabilité n'incombe pas au groupe de personnes qui constituent la communauté mais à chaque membre individuel, pour peu qu'il soit à la hauteur de la tâche.
Par conséquent, P. doit tenter d'être nommé au conseil d'éducation et mettre toutes ses ressources en ýuvre afin de révolutionner le système. C'est à la fois son droit et son devoir d'intervenir.


Contacts
Redaction: edition@shalom-magazine.com   |  Advertising: advert@shalom-magazine.com
Webmaster: webmaster@shalom-magazine.com

© S.A. 2004